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Points de vue

Temps de lecture : 3 min

05/04/2024

Plaidoyer pour une protection effective de l’agriculture au nom de l’intérêt général majeur !

Le 3 avril 2024, le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture a été présenté au Conseil des ministres et déposé dans la foulée à l’Assemblée nationale. Le texte devrait être débattu à l’Assemblée nationale le 13 mai prochain, puis au Sénat mi-juin avec une commission mixte paritaire avant l’été.

Le projet présenté comporte 19 articles, avec un Titre Ier intitulé « Définir nos politiques en faveur du renouvellement des générations au regard de l’objectif de souveraineté alimentaire de la France », qui inscrit un article préliminaire à l’article 1er du Code rural, dit article “programmatique”[i].

Cet article s’ouvre avec la déclaration suivante : “L’agriculture, la pêche et l’aquaculture sont d’intérêt général majeur en tant qu’elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux”.

Dans son avis rendu sur le projet de loi, le Conseil d’État valide la référence à l’intérêt général majeur pour l’agriculture, la pêche et l’aquaculture. D’où son inscription dans le projet de loi.

Il faut se réjouir d’une telle évolution législative, de nature à ouvrir un nouveau champ des possibles dans la valorisation de l’acte de production de denrées agricoles. En effet, cette évolution que j’ai longtemps appelée de mes vœux, s’explique par les manifestations récentes des agriculteurs demandant une meilleure prise en compte de leurs revenus dans un contexte juridique défavorable.

Toutefois à ce stade de la rédaction de l’article L 1 A, des doutes sont encore permis sur la réelle portée de ce texte. En effet, dans son écriture, il semble que l’utilité de l’intérêt général doit se comprendre en lien uniquement avec la souveraineté alimentaire. Ce qui permettra déjà à l’État de fixer des objectifs à long terme et tracer une voie pour la mise en œuvre de politiques publiques spécifiques.  Mais la question se pose de savoir si cet intérêt général servira de facteur d’évolution majeure du droit s’appliquant à l’agriculture.

Dans ces conditions, ce projet de loi manque encore d’ambition juridique à l’égard de l’agriculture. La spécificité de l’intérêt de tous de protéger l’agriculture – autrement dit la production agricole – sur nos territoires aura une véritable utilité si elle oriente aussi les décisions de l’État, de ses préfets, des établissements publics et des collectivités. L’intérêt général qui s’attache à la protection de l’agriculture doit par exemple avoir une incidence sur les choix des préfets quand ils décideront de restrictions d’utilisation des usages agricoles en période de sécheresse, sur les volumes d’eau à attribuer à l’agriculture dans un contexte de changement climatique, sur les choix des bassins via des documents de planification de l’usage de l’eau, sur les décisions concernant la limitation des usages des phytosanitaires, des engrais etc…

Espérons que les amendements qui seront portés au Parlement puissent donner plus de force à l’intérêt général qui s’attache à la production agricole en modifiant les différents codes concernés, avec une formulation à l’article 1er de la LOA qui soit conforme à une vision juridique plus ambitieuse : “I. La protection, la valorisation, le développement de l’agriculture et de l’élevage sont d’intérêt général”.

Une telle formulation doit obliger à une prise en considération de cet intérêt dans toutes les décisions publiques au même niveau que les autres intérêts en présence, tout autant légitimes que l’agriculture, mais pas plus légitimes.  Ce qui suppose de changer le droit dans son ensemble, au-delà d’un article 1er d’une loi agricole.

 


[i] Au sens où son seul objet est de définir les objectifs de l’action de l’État (article 34 de la Constitution française).