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Points de vue

Temps de lecture : 4 min

13/10/2023

Quand le dialogue ne suffit plus

Un centre touristique de luxe” en plein cœur d’une commune rurale de 350 habitants dans le département de l’Oise. C’est l’étonnant projet porté par une habitante d’un hameau comportant deux exploitations agricoles implantées depuis plusieurs générations.

Les fermes ne lui posaient en apparence pas de difficulté particulière. C’est un projet de méthanisation qui a éveillé ses craintes. « Nuisances visuelles, sonores et routières liées à la circulation ». « Odeur de végétaux en décomposition, semblable à une odeur de pulpes, provenant de l’unité de méthanisation ». A cela s’ajouterait un préjudice financier en raison d’une « moins-value d’un montant de 30 à 40 000 euros ».

Tels étaient les moyens soutenus par la voisine soudainement reconvertie en hôtelière quatre étoiles pour justifier une demande d’expertise afin de caractériser des prétendus troubles anormaux de voisinage.

Les agriculteurs avaient pourtant proposé un dialogue. Une main tendue refusée à maintes reprises par la principale intéressée. Face à l’obstination et au refus de tout échange, la justice était plus que jamais attendue pour reconnaître le bien-fondé du projet et l’absence de préjudice en découlant.

La Cour d’appel d’Amiens dans un arrêt du 26 septembre 2023 confirme en tous points la décision de première instance : la seule circonstance qu’un projet agricole, en l’occurrence de méthanisation, soit porté sur un territoire ne justifie pas une demande d’expertise. “Les nuisances visuelles, sonores et routières ne sont pas établies“, estime ainsi la Cour sur la base de pièces versées dans la procédure.

Certains relèveront que la même Cour d’appel d’Amiens a pourtant sévèrement condamné un éleveur dans l’Oise en mars 2022 pour des nuisances sonores et olfactives liées à son cheptel, et dont l’affaire a heurté le monde agricole. Là encore, le dialogue n’avait pas permis de résoudre à l’amiable le litige. La Cour de cassation doit d’ailleurs prochainement se prononcer sur le pourvoi introduit par l’exploitant avec le soutien de la région des Hauts-de-France, de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs.

Dans ce contexte, face à une multiplication de litiges où le dialogue n’est plus possible, c’est tout l’arsenal légal et réglementaire qui doit être renforcé pour rassurer les acteurs du développement de nos territoires ruraux. C’est même une exigence à l’heure où le gouvernement invite nos agriculteurs à assurer notre souveraineté alimentaire tout en étant producteurs d’énergie issue de sources renouvelables.

Le législateur en a parfaitement conscience depuis plusieurs années. Déjà, la loi du 29 janvier 2021 est venue reconnaître le patrimoine sensoriel des campagnes françaises qui devrait aboutir à une cartographie des activités et pratiques agricoles. Encore faut-il que ces inventaires soient mis en œuvre par les régions qui tardent à réaliser ce travail titanesque mais nécessaire.

L’actualité législative des prochains mois devrait apporter un vent d’optimisme. Une proposition de loi, récemment enregistrée au bureau de l’Assemblée nationale, consacre dans le Code civil l’exclusion des actions pour troubles anormaux de voisinages en présence d’activités agricoles préexistantes à l’arrivée de plaignants.

Une proposition annoncée par le ministre de la Justice lors du dernier Salon de l’agriculture en réponse à la multiplication d’incidents. Un texte historique mais insuffisant, faute de protéger les agriculteurs en cas de litiges liés à l’évolution de leurs activités postérieurement à l’arrivée de contestataires.

 

Nos agriculteurs ne sont-ils pas des entrepreneurs ayant vocation à faire croître leurs activités ? Un message qui doit passer lors des prochains débats parlementaires. A défaut, nos agriculteurs seront une nouvelle fois démunis lorsque le dialogue devient impossible.