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3 questions à

Temps de lecture : 4 min

25/01/2023

Nicolas Broutin

Permettre d’augmenter la production agricole pour répondre à la demande mondiale, tout en diminuant les impacts climatiques et environnementaux : deux défis auxquels Yara, 1er producteur mondial d’engrais minéraux azotés entend bien répondre.

Rencontre avec Nicolas Broutin, Président de Yara France SAS.

1/ Comment avez-vous réagi en tant qu’industriel, fabriquant d’engrais azotés principalement destinés au marché agricole français et d’AdBlue à l’annonce du conflit armé entre l’Ukraine et la Russie en février 2022 ?

Après s’être assuré dès le début de la sécurité de nos personnels en Ukraine et en Europe de l’Est, nous nous sommes efforcés de continuer à approvisionner le marché européen tout en restant alignés avec les décisions gouvernementales de chaque pays. Le fait que Yara soit un grand groupe international, avec de grandes capacités d’approvisionnement, l’a rendu possible, notamment à partir d’origines telles que Trinidad et de l’Australie. Car dès le 9 mars 2022, l’application des sanctions contre la Russie a brutalement bouleversé le marché du gaz et des engrais. Ensuite, la hausse du prix du gaz naturel, qui représente 80 % des coûts de fabrication de l’ammoniac, a eu pour conséquences l’arrêt d’unités de production devenues rapidement non rentables sur le marché européen. En août, nous avions encore 65 % de nos unités à l’arrêt. Personne n’aurait parié alors que le prix du gaz allait baisser quelques mois plus tard. Cette incertitude s’est répercutée avec des achats des agriculteurs au fur et à mesure des besoins et très nettement en baisse par rapport aux années précédentes. Nos sites français ont continué à produire des engrais pour la France avec des approvisionnements en ammoniac des Etats-Unis notamment.

 

2/ Yara a affiché sa détermination pour avancer dans la décarbonation de sa production. Qu’en est-il précisément ?

La production d’1 tonne d’ammoniac libère 2 tonnes de CO2.  C’est un processus énergivore aujourd’hui très dépendant du prix du gaz. Nous avons déjà massivement décarboné nos sites de production d’engrais azotés depuis 20 ans. Notre feuille de route vise à atteindre la neutralité climatique d’ici 2050 et ainsi de fournir à nos clients des solutions zéro carbone et non-dépendantes des énergies fossiles. En 2025, nous atteindrons quasiment le zéro-émission en protoxyde d’azote (N2O) lors de la production. Notre défi désormais est la décarbonation de la production d’ammoniac. Plusieurs solutions d’offrent à nous : capter le dioxyde de carbone (CO2) émis, puis le réinjecter dans le sous-sol, par exemple dans des puits de pétrole (technologie CCS) ou alors fabriquer de l’ammoniac non plus à partir du gaz mais en le créant par électrolyse, en faisant passer de l’électricité renouvelable (photovoltaïque ou éolienne) dans de l’eau.

 

3/ Le président de la République a souhaité rencontrer en novembre dernier 50 représentants des industries les plus émissives de GES, dont Yara France. Quelles actions allez-vous engager ?

Les trois piliers de la décarbonation qui sont identifiés par les industriels sont l’utilisation de biomasse mais en pratique il y a peu de surplus disponible, le captage du CO2 puis sa liquéfaction et son enfouissement dans d’anciens puits de pétrole, mais cette technologie (CCS) qui est prête coûte 30 % de plus que le prix actuel du carbone et l’hydrogène vert qui nécessite une infrastructure électrique extrêmement puissante.

Yara France a été clairement identifié comme un acteur de la décarbonation. C’est satisfaisant pour nous et nous sommes très contents de cette initiative du Président de la République en faveur d’une planification technologique de décarbonation territoriale. Nos industries sont en concurrence avec le Moyen Orient avec l’hydrogène vert et bleu produit à partir d’énergie photovoltaïque et de stockage CCS, mais aussi avec les Etats-Unis qui ont choisi de soutenir et d’aider l’industrie à hauteur de 370 milliards de dollars sur 10 ans (Inflation Act).

Le port du Havre sur lequel nous avons des installations va faire l’objet d’un accompagnement des pouvoirs publics dans le cadre de France Relance. Il réduira de 50 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Le site sera raccordé au réseau de transport RTE, puis après un arrêt technique, bénéficiera d’une technologie de seconde génération qui permettra la production et l’utilisation d’hydrogène vert, issu de l’électrolyse de l’eau avec une énergie renouvelable. Entre temps une transition sera réalisée avec la production d’hydrogène bleu.

 

4/ Le protoxyde d’azote est le principal gaz à effet de serre émis par les grandes cultures en raison de l’épandage d’engrais azotés. Comment pouvez-vous aider les agriculteurs à améliorer leur bilan carbone ?

Si l’agriculteur choisit de passer d’une forme uréique (souvent importée) à une forme nitrique (qui peut être produite en Europe et en France), il peut déjà augmenter ses rendements et ses revenus tout en réduisant de 10 % l’empreinte carbone liée à la fertilisation minérale. Avec notre programme Solution’ERE, nous avons également conçu des outils de pilotage innovants qui combinent digital et intelligence artificielle que nous mettons à disposition des agriculteurs pour leur permettre de piloter leur fertilisation et qui peuvent leur procurer 10 % de gains, en mettant « la bonne dose au bon endroit et au bon moment ». Le programme Solution’ERE comprend ainsi AtFarm, une plateforme web et une application pour surveiller la croissance des cultures et la création de cartes de modulation d’épandage d’engrais à partir d’images satellites, Yara N-Tester ® détermine les besoins en azote à partir de la teneur en chlorophylle des feuilles, Yara N-Sensor ® est un dispositif optique qui ajuste instantanément les doses en fonction des variabilités dans la parcelle carbone. L’utilisation d’engrais décarbonés dont l’offre arrivera sur le marché européen en 2023. L’objectif de Yara est de décarboner 30 % de la production d’ici 2030. En 2050, sur l’ensemble du marché 70 % des engrais seront décarbonés.

 

5/ Envisagez-vous la production d’engrais organo-minéraux biosourcés ?

Nous avons également développé chez Yara deux feuilles de route spécifiques car nous nous intéressons de plus en plus au sol et aux nutriments, en lien avec les pratiques culturales. Nous travaillons sur les biostimulants à partir d’algues pour augmenter la résistance des plantes cultivées à la sécheresse. Nous avons également en marché test au Royaume-Uni un engrais Yara Nature qui est une association organique/minéral sous forme de pellet constitué de compost fourni par Veolia et d’un engrais minéral azoté.

 


Crédit photo : Yara France