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26/11/2025
Élargissement de l’Union européenne : Équation institutionnelle et inconnues agricoles
« Le nouvel élargissement de l’Union européenne en cours de négociation avec six pays des Balkans occidentaux, la Moldavie et l’Ukraine bouleverse le modèle institutionnel et agricole de l’Union à 27. »
Résumé
L’ouverture des négociations d’adhésion de l’Ukraine et de la Moldavie à l’Union européenne fin 2023 a relancé le processus d’examen des candidatures de six pays des Balkans, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, la Macédoine du Nord, le Monténégro et la Serbie. Ce nouvel élargissement de l’UE-27 conduit à s’interroger sur l’évolution nécessaire des institutions européennes, de ses politiques publiques, des moyens qu’elle y consacre, et la forte composante agricole de l’activité des pays candidats focalise l’attention sur le devenir de la PAC.
En termes institutionnels, le passage d’une Union de 27 à 35 membres nécessite de revisiter les organes de la gouvernance, tant en ce qui concerne la composition de la Commission, du Parlement, que la capacité du Conseil de délibérer à la majorité qualifiée. Les réformes correspondantes devraient être décidées avant l’entrée de nouveaux membres pour s’intégrer à l’acquis communautaire auquel ils devront souscrire. Par ailleurs, le corollaire budgétaire de l’élargissement devrait impliquer une augmentation du montant du Cadre Financier Pluriannuel que les propositions de la Commission pour la période 2028-2034 ne paraissent pas avoir prise en compte en cas d’adhésion.
Alors que les structures agricoles de l’Albanie, des pays de l’ex-Yougoslavie et pour partie de la Moldavie correspondent aux modalités d’application de la PAC, celles de l’Ukraine s’en écartent par la forte concentration des exploitations et la forme juridique et financière des agro-holdings. Ces sociétés, dont les filiales exploitent jusqu’à des centaines de milliers d’hectares pour les plus importantes, ne sauraient bénéficier des soutiens au revenu de la PAC. Plus encore, la collision concurrentielle entre cette forme exogène d’entreprise et le modèle entrepreneurial européen entraînerait un impact de compétitivité avec laquelle l’agriculture des zones intermédiaires ne saurait concourir.
Ainsi, si l’adhésion des autres candidats pourra être actée au fur et à mesure de leur conformité aux critères requis, celle de l’Ukraine, en guerre contre son agresseur russe, présente de réelles difficultés économiques et géopolitiques à court et moyen terme. De l’examen des scénarios qui manifesteraient la volonté politique européenne d’arrimer l’Ukraine à l’Union, celui d’une intégration différentielle permettrait d’associer l’Ukraine à la gouvernance de l’Union et d’y déployer politiques publiques et moyens financiers sans pour autant bouleverser le marché européen.
Nos 3 idées fortes
• Construire pour l’Ukraine un cadre spécifique d’intégration différentielle.
• Encadrer l’impact concurrentiel des agro-holdings ukrainiennes.
• Anticiper un soutien innovant aux zones intermédiaires fragilisées par l’élargissement.
Nos propositions
Institutionnel
- Privilégier l’adhésion individuelle ou par petits groupes des pays candidats, selon leurs avancées et leur mérite, et non en bloc.
- Construire pour l’Ukraine un cadre spécifique d’intégration différentielle qui l’associe plus étroitement à l’Union en évitant les écueils multiples d’une adhésion.
- Maîtriser la taille des institutions européennes en limitant le nombre de parlementaires et de membres de la Commission. Faciliter le recours à des prises de décision à la majorité qualifiée.
Flux commerciaux
- Homogénéiser le cadre normatif sanitaire et environnemental au sein du marché intracommunautaire en faisant respecter les mêmes définitions des produits et des facteurs de production utilisés.
- Développer des moyens financiers d’investissement propres à l’agriculture européenne afin de moderniser et d’accroître les infrastructures de stockage, de logistique et de transformation.
- Préserver ou reconstruire des instruments de gestion et de régulation des marchés sur le plan intracommunautaire (y compris contingents/clauses de sauvegarde après adhésions) afin de pouvoir organiser des ajustements qui s’avéreraient nécessaires.
Politique agricole
- Encadrer l’impact concurrentiel des agro-holdings ukrainiennes, étrangers au modèle agricole européen qui se définit en termes de taille, de construction entrepreneuriale, de renouvellement générationnel, seul à même de bénéficier d’aides agricoles.
- Anticiper un soutien innovant aux zones intermédiaires fragilisées par l’élargissement afin de pérenniser une agriculture économique territoriale et éviter un scénario à terme identique à celui de la désindustrialisation.
- Mettre en pratique le concept de souveraineté alimentaire en proportionnant le budget agricole à un espace élargi, sans le réduire, alors que les coûts des facteurs de production sont en hausse continue.