Articles
Temps de lecture : 3 min
19/12/2025
Ce que vivent (vraiment ) les femmes rurales
La ruralité* ne crée pas les inégalités de genre, mais elle les renforce matériellement et socialement pour les 11 millions de femmes qui y vivent : c’est le résultat de l’étude « Ce que vivent vraiment les femmes rurales », menée par l’Institut Terram et réalisée par Salomé Berlioux, fondatrice de l’association Rura et Félix Assouly, Directeur du plaidoyer et de l’influence chez Rura.
Selon l’étude, si les femmes rurales proviennent d’origines sociales diverses, elles partagent toutes une contrainte structurelle : l’éloignement des services, des emplois, des formations et des soins. Cette distance transforme chaque démarche en coût de temps et d’argent qui retombe de façon disproportionnée sur les femmes, qui prennent en majorité en charge les déplacements liés aux enfants, à la famille…etc.
Les auteurs de l’étude démontrent que sur le plan domestique et professionnel, les mécanismes d’inégalité sont les mêmes qu’ailleurs, mais ils pèsent davantage dans la ruralité : charges familiales lourdes, marché du travail moins diversifié, accès à la formation restreint, et autonomie financière plus fragile. En cas de séparation, la vulnérabilité patrimoniale est particulièrement marquée car les revenus propres sont souvent faibles chez les femmes et l’accès à la propriété plus difficile.
L’étude montre aussi que les choix de vie et de trajectoires professionnelles sont façonnés très tôt par la géographie : les formations éloignées, les transports insuffisants et les coûts associés amènent les jeunes filles à renoncer à certaines orientations.
Au-delà des aspects matériels, les normes sociales locales pèsent fortement : s’occuper du foyer, être disponible pour les autres ou avoir des enfants sont les attentes souvent les plus citées par les femmes rurales, ce qui tend à renforcer des rôles genrés traditionnels et diminuer le champ des possibles.
Enfin, l’étude montre que l’accès effectif aux droits – santé, modes de garde, protection contre les violences – reste entravé par la distance et le manque d’infrastructures. Pour une égalité réelle, il ne suffit pas de garantir des droits sur le papier : il faut réduire les coûts d’accès, rapprocher les services, adapter la mobilité et soutenir les trajectoires économiques, telles sont trois des propositions issues de ces travaux.
Cette étude rejoint une partie des constats de la Note de think tank coécrite par Agridées et VoxDemeter « Entrepreneuriat féminin en agriculture : libérer les potentiels ! » qui focalisait son attention sur les agricultrices et analysait les enjeux liés au statut de cheffe d’entreprise, aux inerties culturelles propres au secteur agricole et aux spécificités de la ruralité. Une conclusion commune aux deux études s’impose : l’avenir de l’agriculture -et de la ruralité- doit s’écrire aussi au féminin.
* Les territoires ruraux représentent 91,5 % du territoire, 30 775 communes et environ 1/3 de la population, selon la méthodologie utilisée pour l’étude, croisant des données de l’INSEE, de l’OCDE et de l’ANCT