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Temps de lecture : 4 min

16/03/2022

Emergence de l’agriculture bas-carbone

Nouveau partenariat entre Agridées et Sindup pour mettre en avant les grandes tendances et évolutions du secteur agricole et agroalimentaire

En 2021, Agridées s’est associé à Sindup, un éditeur de solutions de veille qui vise à aider les entreprises à détecter les signaux faibles et les événements importants, qu’il s’agisse de risques ou d’opportunités, tout en facilitant le suivi des tendances face à la surinformation, l’accélération et la complexité des marchés.

Outre sa plateforme de veille, Sindup a mis en place une dizaine d’observatoires pluridisciplinaires alimentés grâce aux travaux de différents partenaires, tous experts dans un domaine spécifique : agriculture, marketing, réseaux et télécoms, développement durable, intelligence artificielle, etc. Ces observatoires sont accessibles en libre accès via une application mobile et directement sur le site internet de Sindup.

Il s’agit de décrypter les grandes tendances et évolutions sectorielles, métiers et technologiques en s’appuyant sur les travaux d’experts de confiance (études / rapports / synthèses) à travers des publications synthétiques et accessibles à tous : citoyens, étudiants, dirigeants, etc, permettant de faciliter l’appropriation des opportunités et l’anticipation des risques auprès d’un large public, en ayant une vue globale et transversale.

Agridées s’inscrit au sein de cet écosystème de partenaires à travers l’observatoire « Agriculture et agroalimentaire ».

Dans le contexte du changement climatique, les entreprises du secteur énergétique et les grandes industries ont été progressivement incitées par la règlementation à œuvrer pour réduire leur empreinte carbone et leurs émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, des systèmes d’échanges de crédits-carbone ont notamment été mis en place au niveau international au début des années 2000. Le premier objectif des marchés incitatifs visait à réduire le volume des émissions de gaz à effet de serre, et, dans un deuxième temps à compenser les émissions résiduelles en finançant des projets portés par d’autres acteurs économiques…

Ces dernières années, en parallèle de ces marchés obligatoires, des modèles de marchés nationaux volontaires se sont développés. En effet, des collectivités, des entreprises et des citoyens sont prêts à rémunérer des actions bénéfiques pour le climat sur une base volontaire, dans le but par exemple de compenser leurs émissions. Il semble important pour ces financeurs potentiels que la qualité et l’intégrité environnementale des projets soient assurées.

Aussi, d’autres secteurs, comme celui de l’agriculture qui est à la fois coresponsable, victime et source de solutions du changement climatique, se sont emparés du sujet. L’idée étant de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et de mettre en place de nouvelles pratiques permettant de stocker du carbone pour lutter contre le changement climatique.

Le carbon farming, une solution face au changement climatique

Dans le secteur agricole, il peut s’agir, pour les agriculteurs, de mettre en œuvre des projets volontaires de diminution des émissions de gaz à effet de serre, et/ ou d’augmenter la séquestration du carbone dans les sols et la biomasse. C’est ce que l’on appelle l’agriculture du carbone, l’agriculture bas carbone, ou le carbon farming. Pour les entreprises, les grands groupes, les collectivités, il s’agit d’acheter des crédits-carbone afin de compenser leurs émissions tout en finançant les efforts réalisés par les agriculteurs.

C’est en 2015, lors de la COP21, que l’initiative internationale 4 pour 1000, visant à accroître la séquestration de carbone dans les sols a été lancée. Elle proposait d’augmenter annuellement de 0,4% le stock carbone présent dans tous les sols du monde, permettant de compenser les émissions mondiales annuelles de CO2 dues aux activités humaines.

En France, le stock total de carbone organique dans l’horizon 0-30 cm des sols (hors surfaces artificialisées) est de l’ordre de 3,58 Gt de C, équivalent à 13,4 Gt de CO2e. Une augmentation de 4‰ par an de ce stock compenserait de l’ordre de 12% des émissions françaises de GES (458 MtCO2e en 2016).

Label Bas Carbone et financement des agriculteurs

En France, tout cela est encadré par le Label Bas Carbone (LBC), lancé par le Ministère de la Transition Ecologique (MTE) en 2019. Le LBC met en place un cadre transparent dans le but d’offrir des perspectives de financement à des projets locaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il permet ainsi d’accompagner la transition écologique à l’échelon territorial, en récompensant les comportements allant au-delà des pratiques usuelles. Son objectif est donc de certifier les projets dédiés à réduire l’impact carbone des exploitations agricoles, permettant aux agriculteurs de recevoir le soutien de financeurs : collectivités, associations ou entreprises, qui peuvent acheter les crédits-carbone générés par le projet dans le cadre d’une démarche volontaire de compensation de leurs propres émissions de CO2.

Fin février 2022, on comptabilisait 11 méthodes sectorielles approuvées par le MTE dans le cadre de ce Label, dont 3 en forêt et 6 en agriculture, et 168 projets labellisés. Les méthodes sectorielles qui ont suscité le plus de projets touchent à la forêt et à l’élevage. Sur ces 168 projetsplus de 75 n’ont pas trouvé de financeursPour les autres, c’est le Groupe La Poste et Orange qui financent le plus de crédits-carbone générés par les projets de boisement, reboisement et balivage. La liste des projets bénéficiant du Label bas-carbone ainsi que les coordonnées des porteurs de projet ou les mandataires concernés peuvent être consultées directement sur le site du MTE.

L’objectif du MTE est de financer 1 million de tonnes équivalent CO2 avec le LBC. Il est aujourd’hui atteint à 67 %.

Les ambitions de la Commission européenne

Au niveau européen le carbon farming est en pleine ébullition : recommandations en termes de pratiques plus stockantes et/ou moins émettrices ; établissement de bilans carbone et calculs de crédits-carbone ; précision du cadre politique ; recherche d’un modèle économique ; choix d’une méthodologie, etc.

La Commission européenne a adopté, en décembre 2021, la communication (document sans portée juridique transmis par la Commission aux autres institutions européennes et présentant de nouveaux programmes/nouvelles politiquessur les cycles du carbone durables. Elle indique notamment les actions à court et à moyen terme pour soutenir le stockage du carbone dans les sols agricoles et favoriser l’expansion de ce modèle d’entreprise écologique afin de mieux récompenser les gestionnaires de terres qui séquestrent du carbone et protègent la biodiversité.

Pour atteindre l’objectif politique de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’UE de 55 % d’ici 2030 par rapport à 1990 (Paquet législatif d’août 2021 appelé « Fit for 55 »), la Commission européenne propose d’augmenter le puits de carbone constitué du secteur de l’Utilisation des Terres, Changements d’Affectation des Terres et de la Forêts (UTCATF) jusqu’à 310 millions de tonnes équivalent CO2. Cela correspond à 42 millions de tonnes équivalent CO2 stockées supplémentaires par rapport au niveau d’aujourd’hui. Le carbon farming a pour objet de contribuer à cet objectif, qui fait actuellement l’objet de débats au Parlement européen.

En termes de financements, la Commission devrait inciter à la rémunération carbone par des organismes publics et privés des agriculteurs qui adoptent des pratiques stockantes et/ou moins émettrices ou pour les quantités de carbone réellement séquestrées. A date, la Commission identifie plusieurs types de financements publics en faveur du carbon farming, tels que les éco-régimes, les mesures agro-environnementales ou encore le Partenariat Européen de l’Innovation « Productivité et Développement Durable de l’Agriculture » de la Politique Agricole Commune (PAC), visant à accompagner les agriculteurs qui souhaitent développer des pratiques agricoles vertueuses.

Une proposition législative devrait être présentée en 2022, permettant d’avoir un cadre réglementaire de certification basé sur des règles comptables robustes.

Le carbon farming est également une des priorités politiques de la Présidence française du Conseil de l’UE en ce premier semestre 2022. L’ambition de la France est en effet d’accélérer la mise en place d’un cadre européen pour une certification des méthodologies permettant de générer des crédits-carbone pour attirer la confiance des financeurs sur le marché volontaire, et par conséquent de financements plus conséquents.

De fortes attentes quant à la rémunération de ces pratiques agricoles vertueuses

Il existe de fortes attentes autour de la nouvelle rémunération de ces pratiques agricoles vertueuses, notamment en Espagne, au Royaume-Uni, en Pologne et en France. Aujourd’hui, une fourchette de prix située entre 30€ et 100€ par tonne de CO2 se dessine pour les projets agricoles labellisés. La rémunération de la tonne de carbone de 30€ reste cependant trop faible pour compenser les efforts fournis par les agriculteurs, même si les diagnostics-carbone de départ sont pris en charge à 90 % pour les nouveaux installés dans le cadre de France Relance. Il s’agit donc, à date, d’un complément de financement de la transition, ne couvrant pas tous les coûts de mise en œuvre, qui peuvent aller de quelques dizaines d’euros à plusieurs centaines d’euros par hectare selon les contextes individuels.

Pour enclencher une véritable dynamique, les démarches de réduction d’émissions de gaz à effet de serre initiées par les agriculteurs doivent à la fois bénéficier d’un prix de la tonne de carbone bien plus élevé et d’une rémunération par les marchés, voire d’un soutien public complémentaire pour accompagner certains investissements.

Aussi, bien que les initiatives fleurissent au niveau européen, tous les acteurs n’optent pas pour la même définition de l’agriculture bas carbone, n’utilisent pas la même méthodologie et n’ont pas tous le même périmètre d’action. Il apparaît nécessaire d’encadrer ces démarches afin qu’elles soient crédibles, transparentes et fiables. Il s’agit en effet de construire un modèle crédible, un indicateur de durabilité qui évite l’écueil du greenwashing, qui inspire la confiance des financeurs, qui génère du revenu pour les agriculteurs, atténue le changement climatique, en complément des politiques publiques, et participe au financement de la transition agricole.

Le sujet reste ouvert et de nombreuses réflexions sont en cours afin de trouver des modèles agricoles et forestiers favorables à l’atténuation du changement climatique.