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Temps de lecture : 4 min

02/03/2022

Insectes : les petites bêtes qui montent…

Nouveau partenariat entre Agridées et Sindup pour mettre en avant les grandes tendances et évolutions du secteur agricole et agroalimentaire

En 2021, Agridées s’est associé à Sindup, un éditeur de solutions de veille qui vise à aider les entreprises à détecter les signaux faibles et les événements importants, qu’il s’agisse de risques ou d’opportunités, tout en facilitant le suivi des tendances face à la surinformation, l’accélération et la complexité des marchés.

Outre sa plateforme de veille, Sindup a mis en place une dizaine d’observatoires pluridisciplinaires alimentés grâce aux travaux de différents partenaires, tous experts dans un domaine spécifique : agriculture, marketing, réseaux et télécoms, développement durable, intelligence artificielle, etc. Ces observatoires sont accessibles en libre accès via une application mobile et directement sur le site internet de Sindup.

Il s’agit de décrypter les grandes tendances et évolutions sectorielles, métiers et technologiques en s’appuyant sur les travaux d’experts de confiance (études / rapports / synthèses) à travers des publications synthétiques et accessibles à tous : citoyens, étudiants, dirigeants, etc, permettant de faciliter l’appropriation des opportunités et l’anticipation des risques auprès d’un large public, en ayant une vue globale et transversale.

Agridées s’inscrit au sein de cet écosystème de partenaires à travers l’observatoire « Agriculture et agroalimentaire ».

Le marché des insectes, bien qu’étant aujourd’hui encore un marché de niche, est en forte croissance : nouveaux usages, stratégies d’innovation, réponses aux enjeux démographiques, alimentaires et environnementaux actuels…
Il s’agit d’une jeune filière en structuration.

Selon Samir Mezdour, chercheur à AgroParisTech, un million d’insectes sont aujourd’hui répertoriés, et à peine 2 100 d’entre eux sont comestibles. Les insectes ont le mérite de s’adapter à tous les milieux, et à tous types d’alimentation. Ils sont déjà bien présents dans l’économie agricole, notamment en élevage (apiculture), en tant que bioconverteurs ou en auxiliaires de culture et biocontrôle.

Cette filière est en plein développement en Europe, et plus largement dans le monde. Face à la croissance de la démographie mondiale et aux enjeux environnementaux, les insectes présentent de nombreux atouts : importante source de protéines, moindre besoin de facteurs de production (surfaces, eau, etc.), meilleur taux de conversion d’aliments en protéines ou encore capacité à se nourrir des sous-produits et co-produits de l’agriculture et des industries agroalimentaires.

Dans un contexte de besoin de développement des sources de protéines alimentaires pour lesquelles l’Union européenne dépend à 70% des importations, les insectes font partie des nouvelles sources de protéines à développer comme les algues, les microorganismes, les champignons ou les viandes cellulaires. De son côté, la France est exportatrice nette de 3,5 millions de tonnes de protéines végétales (céréales notamment), mais déficitaire en matières riches en protéines (soja par exemple).

Des valorisations multiples sur des marchés en développement

Cette filière couvre de nombreux enjeux tant au niveau de l’alimentation humaine, animale et plus largement dans la bioéconomie.

Concernant l’alimentation humaine, au niveau mondial, l’entomophagie (consommation d’insectes) est déjà partie intégrante du régime alimentaire de plus de deux milliards d’habitants, principalement en Afrique, en Asie, et dans certains pays comme au Mexique ou en Australie. En Europe, pour des raisons culturelles notamment, la consommation d’insectes est très récente. En effet, selon Cédric Auriol, cofondateur de la société Agronutris, l’Agence européenne de Sécurité Alimentaire (EFSA) a accordé la première autorisation de mise sur le marché pour un ver de farine proposé par sa société en mai 2021. Selon Fayçal Ounnas, Fondateur d’Entoinnov, société orientée vers l’alimentation humaine, les insectes, par leur haute teneur en protéines, acides aminés et acides gras sont pourtant considérés comme des super aliments.

Toujours au sein de l’Union européenne, l’autorisation de production d’insectes et leurs produits est possible en pisciculture depuis le 1er juillet 2017, et depuis août 2021 pour nourrir les volailles et les porcs sous forme de farine (Règlements UE 2015/2283, 2017/893 et 2021/1372). Selon Paola Teulières, Co-fondatrice de Tomojo et qui s’est spécialisée sur ce créneau, le marché des animaux domestiques constitue également un énorme potentiel de développement pour la filière des insectes. On note aussi un phénomène de « premiumisation », avec la recherche de produits de qualité supérieure. A titre d’exemple, certaines molécules d’insectes peuvent être utilisées pour la fabrication de cosmétiques. Enfin, dans une logique de bioraffinerie, ils peuvent être aussi valorisés en bioénergie, en bioplastiques, en biomolécules sans oublier les fertilisants agricoles.

En termes commerciaux, le marché reste un marché de niche : 10 000 tonnes de protéines ont été vendues en 2020 dans le monde, avec un potentiel estimé à 500 000 tonnes en 2030. Selon l’IPIFF (association professionnelle du secteur), l’alimentation humaine en Europe ne représentait, en 2019 que 500 tonnes, avec 9 millions de consommateurs. Vendue entre 3 500 et 4 000 euros la tonne, elle reste encore beaucoup moins compétitive que les protéines « traditionnelles » selon Raboresearch Report. A noter qu’avec l’autorisation récente des usages en élevage de porcs et volailles, le marché devrait accélérer sa croissance ces prochaines années.

Une montée à l’échelle progressive et des verrous à lever

Au-delà de ces potentiels de marchés, selon Manon Déterne, consultante en bioéconomie au Pôle IAR, cette filière doit encore faire face à plusieurs verrous : technologiques (procédés de transformation, performances des insectes…), réglementaires (sécurité, environnement, autorisation de mise sur le marché), économiques (rentabilité industrielle…) mais aussi culturels et sociaux (acceptabilité des consommateurs occidentaux). Sur ce dernier point, la question du bien-être animal lors de la phase d’abattage notamment soulève aussi des interrogations.

Un autre segment de développement intéresse l’agriculture : celui du frass. Constitué des excréments d’insectes, de substrat alimentaire et de restes d’insectes, riche en azote, phosphore et potassium, représente une alternative aux engrais minéraux, valorisable entre autres en agriculture biologique.

Bien que très dynamique, la Recherche et Développement doit s’amplifier. Dans cette filière, 300 start-up sont recensées dans le monde, dont 60 en Europe. En France notamment, nombreuses sont celles qui investissent ce secteur : Ynsect, Agronutris, Tomojo, Innovafeed, etc. La France a structuré un écosystème de recherche et porte notamment le projet « Désirable », piloté par AgroParistech avec l’INRAE, le CNRS, le Pôle IAR ou encore Valorial.

La dynamique est également forte en Europe (Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique, Danemark, Espagne) et aux Etats-Unis. Ces 3 dernières années, ces différents acteurs ont réussi de nombreuses levées de fonds au niveau mondial et européen tant pour développer la recherche que pour construire les premières unités industrielles : plus d’un milliard d’euros a déjà été investi dans le monde dont 600 millions en Europe.

Filière en émergence, aux multiples atouts, la production et la transformation des insectes intéressent de nombreux marchés. Les défis restent nombreux notamment pour ce qui relève de l’acceptabilité des consommateurs et de l’amélioration de ses performances économiques et environnementales. Son développement se poursuivra avec la levée progressive des différents freins réglementaires, économiques et sociétaux.