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Temps de lecture : 3 min

13/01/2023

Un monde agricole en pleine mutation : évolutions sociales et perspectives économiques

En 2021, Agridées s’est associé à Sindup, un éditeur de solutions de veille qui vise à aider les entreprises à détecter les signaux faibles et les événements importants, qu’il s’agisse de risques ou d’opportunités, tout en facilitant le suivi des tendances face à la surinformation, l’accélération et la complexité des marchés.

Outre sa plateforme de veille, Sindup a mis en place une dizaine d’observatoires pluridisciplinaires alimentés grâce aux travaux de différents partenaires, tous experts dans un domaine spécifique : agriculture, marketing, réseaux et télécoms, développement durable, intelligence artificielle, etc. Ces observatoires sont accessibles en libre accès via une application mobile et directement sur le site internet de Sindup.

Il s’agit de décrypter les grandes tendances et évolutions sectorielles, métiers et technologiques en s’appuyant sur les travaux d’experts de confiance (études / rapports / synthèses) à travers des publications synthétiques et accessibles à tous : citoyens, étudiants, dirigeants, etc, permettant de faciliter l’appropriation des opportunités et l’anticipation des risques auprès d’un large public, en ayant une vue globale et transversale.

Agridées s’inscrit au sein de cet écosystème de partenaires à travers l’observatoire « Agriculture et agroalimentaire ».

Dans un secteur qui connaît de profondes mutations, Agridées revient sur les évolutions du monde agricole en France, et propose un tour de plaine des perspectives agricoles en l’Europe et à l’international. Au niveau mondial, la France reste aujourd’hui l’une des principales puissances agricoles et agroalimentaires.

Comme dans le reste du monde, l’agriculture française est dans une dynamique de mouvement qui se perçoit à la fois au niveau national, notamment dans sa structuration socio-économique (besoin de compétences, féminisation, etc.), et au niveau international, puisqu’elle s’inscrit dans le jeu de la concurrence et des mouvements géopolitiques.

En France, vers une plus grande diversité du secteur agricole

Selon le recensement 2020 de l’agriculture en France, on note, par rapport à 2010, une baisse de 20% du nombre d’exploitations agricoles, principalement dans toutes les filières animales et en polyculture élevage. La taille des exploitations a quant à elle augmenté de plus de 25%. Cette tendance s’explique notamment par les crises économiques, les revenus des agriculteurs et le manque d’attractivité dont souffre la profession, parfois au détriment des petites exploitations. Parallèlement, on note une diminution de 18% du nombre de chefs d’exploitation.

Bien que la main d’œuvre familiale ait baissée drastiquement, le travail agricole (ETP) ne baisse que de 11%, du fait de la progression du nombre de salariés permanents non familiaux (+8,2%). Aussi, la structuration et la professionnalisation des entreprises agricoles évoluent profondément, les profils et compétences aussi. En effet, le niveau de formation des chefs d’entreprise agricole a fortement progressé en 10 ans puisqu’en 2020, 54% sont au moins titulaires du bac alors qu’ils étaient 38% en 2010, et 27% possèdent un diplôme d’études supérieures (17% en 2010). La concurrence entre employeurs locaux étant de plus en plus forte, il convient à présent de mener une réflexion autour de l’attractivité pour conserver les talents en agriculture.

De plus, le secteur est marqué par un vieillissement de la population agricole puisque plus de 25% des exploitants a 60 ans et plus, et que l’âge moyen des exploitants est de 51,4 ans. Une réflexion sur la dynamique de renouvellement devra indéniablement être menée pour se projeter dans un avenir positif.

En ce qui concerne la féminisation du secteur, si on analyse le segment des installations entre 2010 et 2020, on constate que la part des femmes cheffes d’exploitation, qui est de 32%, est supérieure au cas général de la population agricole (22%). Outre d’être plus féminin, le profil des personnes qui se sont installées depuis 2010 fait ainsi état d’un niveau de compétences plus élevé, concerne de moins en moins le cadre familial et est plus intéressé par les circuits courts (32%) et l’agriculture biologique (19%).

 

Perspectives d’évolution des prix agricoles, au niveau mondial

Selon la dernière édition semestrielle des Perspectives des marchés des matières premières de la Banque Mondiale, un ralentissement brutal de la croissance et des risques de récessions pourraient peser à la baisse sur les prix des matières premières en 2023, tout en restant à des niveaux plus élevés que la moyenne des cinq dernières années. Aussi, le prix de l’énergie pourrait baisser de 11% en 2023 et de 12% en 2024, quand les prix agricoles baisseraient de 5% en 2023 pour se stabiliser en 2024.

Il convient cependant de noter que ces perspectives globales pourraient être impactées par de nouveaux risques, et pourraient se traduire par des situations aggravées dans certains pays pour l’approvisionnement en énergie et en produits alimentaires du fait des dépréciations monétaires.

Les experts Josef Schimbhuber et Bing Qiao ont analysé l’évolution de la facture alimentaire globale dans le rapport « Perspectives alimentaires » de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), publié en octobre 2022. Ils considèrent que celle-ci a cru à un rythme plus modéré en 2022, tout en atteignant un nouveau record absolu, soit 1 900 milliards de dollars, 10% de plus que le record précédent.

 

Perspectives de productions et de surfaces agricoles au niveau européen

Si l’Union Européenne est globalement à l’abri d’une crise alimentaire, le Rapport des perspectives à court terme publié à l’automne 2022 par la Commission a souligné l’impact négatif d’un climat chaud et sec sur une grande partie de l’Europe, les conséquences de l’inflation sur les prix de l’énergie, et, de fait, sur les coûts des intrants, des prix agricoles et de l’inflation alimentaire.

Pour la campagne agricole 2022/2023, les perspectives à court terme restent favorables pour les grandes culturesà l’exception du maïs affecté par une faible récolte, une production laitière en légère baisse (-0,5%), tandis que les réductions de production de viande bovine (-0,6%) et porcine (-5%) s’accompagnent d’une forte hausse des prix de la volaille (+27% de janvier à mi-septembre 2022 par rapport à 2021), fortement touchée par le développement de la grippe aviaire, comme la production porcine est affectée par la peste porcine africaine.

Selon le rapport des perspectives 2022-2032 pour les marchés, le revenu et l’environnement, il ne devrait pas y avoir de changement global dans l’utilisation des surfaces agricoles. La production céréalière resterait stable en volume, légèrement réduite en oléagineux et stable pour le sucre de betteraves. Malgré une réduction minime de la production laitière (-0,1% par an), alors que le cheptel laitier devrait décroitre au rythme de -1,1% par an, l’Union Européenne devrait rester le leader mondial avec une part de marché de 24%. Les changements de pratique en matière d’élevage, comme l’évolution de la demande, devraient affecter l’évolution des marchés de la viande. Globalement la consommation devrait augmenter en 2032 du fait du secteur de la volaille, quand la consommation de viande bovine (-0,8 kg/tête) et porcine (-1,3kg/tête) évolue négativement. Néanmoins on peut anticiper que la demande sera satisfaite par une augmentation des importations de 1,8 million de T de viande de volailles, et de 1,3 million de T de viande bovine.

Dans sa dernière partie, le rapport présente des scénarios de réduction de la densité du cheptel bovin pour analyser l’impact environnemental des évolutions conformes avec la stratégie de la Ferme à la table. Les deux niveaux de réduction, soit 2 et 1,4 unités de cheptel par hectare se traduisent par une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre. Mais dans cette analyse réalisée par le Centre Conjoint de Recherche de la Commission, les auteurs ne cachent pas qu’une large part de cette réduction serait annulée par les « fuites de carbone », c’est-à-dire par les émissions liées à l’augmentation des importations de pays tiers.

Alors que la nouvelle PAC (politique agricole commune) s’applique depuis le 1er janvier 2023 dans les différentes déclinaisons nationales des plans stratégiques, la contribution de l’agriculture à la stratégie du Pacte Vert est plus que jamais au centre des questions non résolues. Si les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre doivent se payer par une perte de compétitivité et une augmentation des émissions importées, il faut se pencher rapidement sur les facteurs d’accélération des changements de régime alimentaire, ou encore sur la possibilité d’imposer aux importations les mêmes normes environnementales que celles appliquées à la production agricole dans l’Union. Sur ce dernier point, la Commission a certes ouvert en 2022 la voie à la mise en place de « clauses miroir », mais sa mise en œuvre prendra du temps et elle sera certainement limitée dans son champ et son ampleur.

 

D’autre part, les entrepreneurs agricoles vont devoir concilier profitabilité et durabilité dans les voies étroites ménagées par l’évolution des marchés, les politiques publiques et les pressions sociétales. Reste donc à imaginer et réaliser la pluralité des solutions adaptées à chaque territoire, qui in fine seront les gages du renouvellement des générations en agriculture.

 


Observatoire Agriculture et Agroalimentaire en partenariat avec Agridéesle 11 janvier 2023.