Numéro 232 - Les défis du numérique agricole
Édito
Des femmes, des hommes et des idées
Un nouveau nom, une nouvelle formule, un nouveau contenu pour valoriser encore plus tous les acteurs de nos réseaux : la revue que vous tenez en main a évolué pour accompagner le think tank agridées dans son déploiement et sa nouvelle identité visuelle.
Cette évolution intervient au moment où vient de nous quitter notre président d’honneur Anne-François d’Harcourt. Président de la Société des Agriculteurs de France de 1974 à 1986. Il a, par son engagement, ses convictions et sa courtoisie, permis à l’organisation, alors en grande difficulté, de retrouver des conditions satisfaisantes de fonctionnement et d’accompagnement du monde agricole et rural : une pérennisation de la SAF qui permet aujourd’hui au think tank agridées d’en être sa version moderne.
Le choix de prendre pour titre La Revue agridées, du même nom que le think tank, traduit une volonté de cohérence dans la diffusion des idées issues de nos réflexions, de nos travaux menés avec nos adhérents et des experts choisis, et des propositions formulées pour avancer et ainsi continuer à apporter un éclairage innovant à nos agricultures et leurs filières.
Support d’informations incontournable, comme notre site internet et notre newsletter, cette revue apportera à chaque nouvelle publication un panorama des visions pour l’avenir.
Au côté des femmes, des hommes et de leurs idées, vous trouverez au fil des pages, matière à réfléchir, partager et avancer. Trois verbes choisis pour accompagner notre logo.
Ensemble et avec toutes vos contributions, La Revue agridées participera à la diffusion du progrès.
Excellente lecture à toutes et à tous !
Damien Bonduelle, Président d’agridées
Au sommaire
EDITORIAL
Des femmes, des hommes et des idées, Damien Bonduelle, président d’agridées – P. 3
FILIERES
Bio : i’avenir n’est pas banal, Yves Le Morvan, responsable filières et produits, agridées – P. 5
PAC
Pour une politique attractive de gestion des risques agricoles, Marc Fosseux, Directeur, Fédération nationale Groupama – P. 6
AGRIDEBAT
Comment rester compétitif dans un monde globalisé ?, Nicolas Bouzou, Directeur-Fondateur, Asterès – P. 9
DOSSIER : Les défis du numérique agricole
L’agriculteur augmenté, au service d’un monde plus réaliste, Marie Laure Hustache, responsable Communication, agridées – P. 11
SAP, au service de l’interconnexion digitale des filières agricoles, Marc Genevois, Directeur Général, SAP France – P. 12
À qui vont profiter les données de notre agriculture ?, Fabrizio Delage et Pierre Poullain, cofondateurs de Valeur-Tech – P. 13
EuraTechnologies : au service des start-up et du territoire, Massimo Magnifico, Directeur des opérations et du développement, EuraTechnologies – P. 14
Le digital pour réinventer l’esprit collaboratif, Marc Ducroquet, Cofondateur, Sencrop – P. 15
Le numérique dans les marchés de la distribution agricole, Andreas Rickmers, Président, Agravis Raiffeisen AG – P. 16
RobAgri : accélérons la robotisation de l’agriculture, Jean-Michel Le Bars, Président RobAgri – P. 18
Ils préparent demain, Isabelle Delourme, Rédactrice en chef adjointe, La Revue agridées – P. 19
CONSO
Etiquetage : le consommateur doit prendre conscience de son pouvoir, Daniele Bianchi, Spécialise en droit européen, agricole et alimentaire – P. 20
THINK TANK
“Notre [si] cher principe de précaution”, Isabelle Delourme, Rédactrice en chef adjointe, La Revue agridées – P. 23*
DROIT
Quel devenir pour le foncier agricole et rural ?, Bernard Peignot, Avocat aux Conseils honoraire, vice-président de l’AFDR, président des Amis de la SAF – P. 24
CASSATION
Une jurisprudence dangereuse pour les sociétés en difficulté, Claude Domenget et Guillaume Favoreu, Associés Optimes, membres du réseau Experts Emergens – P. 31
MARCHES
La fin de l’égalité pour les producteurs laitiers ?, Stephan Nether, Directeur du développement Grands Comptes, ODA – P. 32
START-UP
AgriLend, un nouvel acteur dans le prêt participatif, Marie Laure Hustache, responsable Communication, agridées – P. 34
Pourquoi faut-il s'abonner ?
Support incontournable de communication, cette nouvelle formule trimestrielle apporte un panorama des visions pour l’avenir, un nouveau contenu pour valoriser encore plus tous les acteurs de nos réseaux.
La qualité de son contenu en fait une Revue de think tank de référence, que l’on conserve, que l’on consulte à plusieurs reprises.
Sur le même sujet
Transition alimentaire : êtes-vous partants ? - N°233
Quid de notre avenir ?
L ’agriculture et les filières alimentaires sont sur le devant de l’actualité : d’une part, l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi issu des travaux des États généraux de l’alimentation (EGA), de l’autre, la présentation par la Commission européenne de ses perspectives financières et contenus de la PAC pour la période 2021-2027. Il y a des moments où il faut privilégier les travaux et réflexions en arrière-salle plutôt que se trouver exposé sous les feux de l’actualité.
Les débats autour des résultats des EGA sont bien loin des attentes des producteurs et de leurs filières : le retour de valeur aux entreprises agricoles n’est pas traité au fond et la qualité de notre alimentation donne lieu à toutes sortes de discussions toujours aux frontières des coeurs de sujets.
Sur la prochaine PAC, comme de coutume, chacun attend les propositions de la Commission pour leur infliger des critiques acerbes. À ce jeu, nous arriverons à toujours plus de subsidiarité, toujours moins d’Europe : la compétition est désormais à nos portes.
Notre métier, nos pratiques, nos filières, notre organisation économique… sont autant de dossiers qu’il faut prendre à bras-le-corps pour en faire un examen minutieux et déterminer des objectifs pour un avenir positif que nous souhaitons tous de nos voeux. Ce n’est peut-être pas dans les grandes envolées médiatiques que nous trouverons ces perspectives indispensables au maintien de nos entreprises et au renouvellement des générations.
Nous sommes entrés dans un monde caractérisé par l’incertitude du présent et la peur de l’avenir. Souhaitons de bonnes décisions à partir de travaux reconnus par tous et préparatoires aux mesures indispensables pour guider notre quotidien avec un horizon bien défini et pourquoi pas ambitieux.
Damien Bonduelle, Président d’agridées
Santé animale : les grands enjeux - N°234
Qui pourra sauver la planète des zoonoses ?
Àl’instar des théories politiques et guerrières de Machiavel, les maladies émergentes ont laissé des traces dans l’Histoire. De la peste noire, à la grippe mexicaine, en passant par l’ESB, leur biologie est toujours la même, et les deux tiers sont de type zoonoses.
Le conflit entre l’agent pathogène et les populations cibles nécessite de mettre en place une politique de gestion de crise, pour éviter une pandémie destructrice. Le problème n’est alors plus la zoonose, mais sa gestion. La nécessité provoque un changement profond. Pour l’homme, l’important n’est plus la prudence, mais l’adaptation aux circonstances, face à la zoonose venue de nulle part, en faisant preuve d’esprit d’innovation.
La nécessité impose que la médecine humaine et la médecine vétérinaire se parlent, One Health prend non seulement du sens dans la communauté scientifique, mais également dans l’esprit des politiques du monde. Petit à petit, les médias se l’approprient et le grand public découvre le monde fascinant de la biologie, tout en prenant conscience, que l’homme, les animaux et leurs environnements écologique et climatique sont intégralement liés les uns aux autres. Évolution, révolution, éducation… l’Histoire le dira à nos petits-enfants.
Les agents pathogènes peuvent être véhiculés par des vecteurs, ou des hôtes, exposés à différentes instabilités écologiques ou sociales. Ces instabilités imposent aux espèces une plus grande promiscuité, des mouvements de populations, voir un recul des prédateurs pour certaines zones.
Ces changements profonds provoquent une adaptation du vivant aux circonstances du moment : introduction d’espèces exotiques, rapidité d’adaptation à un nouvel habitat. Ils permettent également la réapparition d’anciennes maladies, dites réémergentes, devenues résistantes aux traitements.
Alors comment faire ? Quelle preuve d’esprit d’innovation l’Homme va-t-il développer pour faire face à de telles situations ? Attention, comme l’écrivait Machiavel, l’important n’est plus la prudence, mais l’adaptation aux circonstances.
Qui pourra sauver la planète des zoonoses ? L’allopathie et ses pharmacopées aussi vastes que variées ? La recherche en médecine préventive ? Le développement des bonnes pratiques de biosécurité ? Ou la naissance d’une nouvelle médecine encore inconnue à cette heure, permettant d’allier des vertus thérapeutiques et préventives sans aucun dommage collatéral ?
Sandrine LYONNET, Administratrice d’agridées, responsable développement de projets au SNVEL
Environnement place à l’action - N°235
Notre planète devient un lieu de nécessaires solidarités
Depuis la deuxième moitié du XXe siècle, la « révolution verte » a permis un accroissement bouleversant de la production agricole. Malgré la multiplication par 2,4 de la population mondiale elle a permis d’accroître la consommation alimentaire moyenne et de réduire la part sous-alimentée de cette population.
Ce grand succès en termes de fourniture de produits, a été obtenu au prix d’altérations profondes de l’environnement et d’une consommation élevée de ressources rares ou non renouvelables. L’agriculture affecte les services écosystémiques dont elle bénéficie lorsqu’elle dégrade les qualités des sols, lorsqu’elle exploite les ressources en eau au-delà de leur capacité de renouvellement, lorsqu’elle réduit la biodiversité au point de renoncer aux services qu’elle lui rend.
La valeur croissante attribuée aux services écosystémiques implique que la notion de « production de la terre » ne se limite pas à la production des récoltes et des animaux mais intègre nécessairement celle de tels services. C’est d’une part ce qu’exprime la notion d’agriculture « écologiquement intensive » attentive aux atteintes des milieux et des ressources et d’autre part impose la prise en charge économique de ces services car les bénéfices environnementaux ne sont pas rémunérés via le seul marché.
De telles pratiques et mesures sont des leviers pour nous permettre de maintenir l’indispensable dynamique de croissance mondiale de la productivité des terres agricoles en lien avec la maîtrise des impacts environnementaux un peu partout dans le monde.
Il s’agit bien de situer notre avenir dans une perspective de « développement durable » planétaire car le déficit vertueux à l’hectare « ici » doit être compensé par une augmentation de la production « ailleurs » qui risque de l’être moins. Notre planète devient un lieu de nécessaires solidarités. Solidarités alimentaires en cas d’urgence, solidarités intellectuelles pour mieux comprendre, diagnostiquer, innover, mais aussi solidarités environnementales du fait de notre influence prouvée sur le climat, la biodiversité et les ressources naturelles qui, le plus souvent, ne disposent pas de substituts fabriqués par l’homme
Gérard Matheron, secrétaire général d’agridées
Europe et agriculture - N°236
Pour un projet fédérateur en agriculture
En cette année 2019, je m’adresse à tous les acteurs qui oeuvrent pour donner à nos agricultures et leurs filières une stratégie innovante afin qu’elle nous permette de retrouver la cohérence et notre bon sens paysan dont on a tant besoin.
Je m’adresse tout d’abord aux eurodéputés, aux membres du Conseil et tous les experts européens consultés. Qu’ils entraînent l’ensemble des États membres autour d’un véritable projet politique fédérateur qui saura reconstruire une vision commune tant attendue et redonner à l’Europe agricole le rang mondial qu’elle mérite, une reconnaissance forte auprès de sa population, et aux entreprises une situation économique viable et pérenne.
Je m’adresse ensuite aux élus, aux décideurs nationaux, aux organisations représentatives de la société et à tous les acteurs cherchant à agir d’influence au nom d’un « meilleur être sociétal ». Qu’ils tiennent compte de cette vision commune, des règlements collectifs qu’on ne peut négliger, et qu’ils aient le souci de placer les acteurs agricoles en situation de réussir la mutation tant attendue de nos entreprises et de leurs pratiques, dans un climat de confiance retrouvée et avec toute la sérénité nécessaire à une bonne compréhension.
Je m’adresse enfin à l’ensemble des représentants des acteurs agricoles et alimentaires. Que l’audace et le goût du risque puissent les amener à dépasser leurs lignes classiques menant souvent à l’immobilisme, sans excès de naïveté, bien sûr, mais permettant des réponses positives à une attente qui correspond souvent à une réelle incompréhension et une crainte certaine de consommateurs parfois désorientés.
Souhaitons la mise en oeuvre d’une politique agricole vraiment commune, acceptée de tous, et forte d’un projet ambitieux tenant compte de nos spécificités européennes et dans laquelle nos entreprises pourront collectivement et collaborativement répondre dans le plus grand intérêt de nos populations et apportant respect et dignité sur toute la chaîne du champ à l’assiette.
Notre think tank Agridées continuera de proposer des axes précis et des actions concrètes que nos entreprises adhérentes, comme tous ceux qui nous suivent, souhaitent voir mettre en place dans le souci de répondre à l’attente sociétale, et dans un contexte toujours plus européen.
Damien Bonduelle, Président, agridées
viticulture les nouveaux défis - N°237
Rétablissons la vérité sur nos métiers
e saviez-vous ? Le vin est constitué de 12 % d’alcool, de 80 % d’eau et le reste représente 1 500 molécules différentes. Cette diversité est à corréler à nos
multiples terroirs et conditions pédoclimatiques. Ajoutée au savoir-faire du vigneron, le résultat est palpable. Nos vins, qu’ils soient en AOP ou en IGP, sont tous différents et affirment le lien entre le végétal, la Nature et l’Homme. Je suis moi-même producteur de vin en Appellation d’Origine Protégée Picpoul de Pinet qui s’est choisie comme slogan « Son terroir c’est la mer ». Ces mots veulent rappeler le lien fort qui existe entre la proximité du cordon littoral et l’écrin que représente la vigne dans son paysage. À ceci se rajoute le patrimoine, nos domaines et châteaux qui traversent l’histoire et qui ont eux aussi quelque chose à raconter. Mais à qui me direz-vous ? À cette société civile à qui il faut tout réapprendre, et surtout aux jeunes générations envers qui nous avons
un devoir d’éducation, car l’Éducation nationale ne le fait plus ou mal de nos jours.
Ces valeurs sont transposables à toutes les autres productions agricoles. Notre dénominateur commun, en tant qu’agriculteur, est que nous travaillons avec la beauté du vivant. Mais le métier d’agriculteur s’est peut-être aussi étoffé avec d’autres objectifs. Car, nous sommes montrés du doigt par une partie soi-disant bien-pensante de la société et, nous devrions nous sentir responsable du réchauffement climatique, du manque de biodiversité d’un modèle agro-intensif destructeur, de la pollution des milieux…
Toutes ces accusations démontrent le caractère infondé et incohérent de ces propos. Et pourtant nous sommes parfois désarmés tellement la désinformation est forte, nous devons agir et heureusement, je me rassure quand je vois la curiosité de nos concitoyens à visiter nos fermes, à consommer local à s’intéresser à notre métier. Alors la première des urgences ne serait-elle pas de rétablir la vérité sur le bienfait de notre métier en ciblant les impacts positifs de l’agriculteur sur notre planète qui se nomme la « Terre » faut-il le rappeler. Nous savons tous dans notre for intérieur que le désamour des Français pour l’agriculture n’est pas venu, mais que si nous n’y prenons pas garde un fossé risque de se creuser. Autant de pistes à creuser pour les futurs travaux de notre think tank agridées.
Pierre Colin, Administrateur, Agridées
RSE : des engagements à valoriser - N°238
Notre ADN : cultiver le débat, produire des idées
La vocation première d’un think tank tel qu’agridées est de susciter les questions, participer aux débats, s’engager en produisant des idées et avis, nourrir
et influencer la prise de décision. Agridées a choisi d’emprunter cette voie dans une démarche non partisane et indépendante.
Il faut pour cela créer les conditions d’une réflexion de qualité. Agridées a réussi, depuis de nombreuses années, à rassembler l’ensemble des maillons de la chaîne de valeur, lors de ses conférences ou dans le cadre de groupes de travail animés par ses administrateurs et collaborateurs. Notre think tank a aussi su imposer un style, qui lui est propre, fondé sur la compétence des participants et des intervenants, la qualité de l’écoute et l’enrichissement mutuel.
Souvent galvaudé, le terme d’« intelligence collective » n’a jamais été aussi bien choisi pour qualifier ces temps d’échanges, à savoir la capacité de la communauté agridées à faire converger intelligence et connaissances pour avancer vers un but commun : la production d’idées. Mais pour qui et pourquoi ?
Ces idées doivent permettre aux entreprises agricoles et agroalimentaires de s’épanouir dans un environnement qui a profondément évolué ces dernières décennies. Or les outils dont elles disposent sont encore trop souvent ceux du passé. Comme nous l’avons rappelé lors de notre dernière conférence consacrée à l’entreprise agricole, il faut imaginer le cadre juridique et économique pour les prochaines années, dans lequel les agricultures doivent
pouvoir répondre aux défis toujours plus grands en matière d’exigences qualitatives, environnementales et sociétales.
La rénovation du cadre ne passe pas uniquement par la norme. Agridées entend accompagner les acteurs des filières dans l’émergence de dispositifs contractuels ou de gouvernance leur permettant, en responsabilité, d’être dans des relations gagnant-gagnant. La performance économique ne peut plus être atteinte aujourd’hui sans éthique et quête de sens. L’équation est toujours plus complexe, agridées est aux côtés des acteurs pour la résoudre. Rejoignez-nous !
Jean-Baptiste Millard, Délégué général, agridées
Dynamiser les territoires ruraux - N°239
La nouvelle chance des territoires ruraux
L ’allure générale de nos territoires évolue au rythme des mouvements de population et de la nature même de nos métiers. Comme dans les métropoles et autres milieux urbains, les zones rurales s’adaptent et proposent de plus en plus de services pour répondre aux attentes sociétales. Maisons de service public, transports de personnes à la demande, formations à la digitalisation, services bancaires itinérants examens du code de la route sont autant d’exemples de nouveaux services proposés au coeur des territoires ruraux.
Les entreprises agricoles, acteurs majeurs de la ruralité, apportent elles aussi leur contribution à ces nouvelles configurations, puisant dans leur ADN et surtout dans leur fort ancrage sur le terrain. Il est facile et fréquent d’opposer les nouveaux acteurs aux résidents historiques s’agissant de différents
de voisinage liés au confort de vie et, d’une façon plus générale, à ce qui relève du « vivre ensemble ».
C’est pourtant une très grande opportunité de pouvoir enrichir les campagnes de nouveaux apports de compétences autant que de nouveaux styles de vie émanant des ménages agricoles eux-mêmes, de la profession du conjoint, des études des enfants, de la diversité des activités comme le tourisme à la ferme ou la vente de proximité. Par échanges, par écoute et surtout avec beaucoup de souplesse les ruraux de longue date et les nouveaux arrivants apprennent de plus en plus à se connaître et se comprendre, sur la base de modes de vie qui convergent en définitive.
Les questions se posent souvent autour de la valeur ajoutée de tels brassages de population. Comment intégrer les nouveaux arrivants venus tenter une nouvelle expérience de vie, et souvent casser le rythme soutenu des métropoles en voulant se ressourcer au sein de zones plus reculées et calmes ? Mais surtout, comment mettre en valeur les nouvelles compétences et talents qui s’implantent en milieu rural, concourant ainsi à faire évoluer nos approches tant
sur le plan de la communication que de la vie collective en elle-même ? L’harmonie sociétale en dépend sans doute.
Nous le vivons avec l’apport du numérique. L’apport de ces compétences nouvelles et variées, même si les risques de méfiance et de rejets demeureront, sera toujours source de progrès en faveur de nos campagnes en général, et pour nos entreprises agricoles en particulier.
Damien Bonduelle, Président d’agridées
L’Agtech monte en puissance - N°240
Crise majeure : priorité au sanitaire et à l’alimentaire
Après avoir un temps tenté de repousser l’échéance pour protéger le plus possible la vie économique du pays, le président de la République et son
gouvernement ont dû se résoudre à annoncer des mesures fortes face à l’intensification de l’épidémie de Covid-19 allant jusqu’au confinement de la population.
Certains secteurs de notre économie sont déjà très fortement impactés par les événements et, très vite, c’est bien l’ensemble des acteurs qui sera concerné.
Il est encore difficile de mesurer l’ampleur de cette crise sur les filières agricoles et agroalimentaires. Elle ne touchera certainement pas de la même façon les produits de première nécessité et ceux à plus haute valeur ajoutée, ceux distribués localement ou nationalement et ceux écoulés principalement à l’export, les produits consommés à domicile et ceux destinés à la restauration hors foyer.
Personne ne sera épargné et notamment pas les entreprises agricoles fournissant des marchés ayant perdu tout débouché. La solidarité et le sens des responsabilités doivent être au rendez-vous entre les différents maillons de nos filières, dont la force des liens sera mise à rude épreuve.
Mais ce que nous enseigne d’ores et déjà cette pandémie, c’est bien la nécessité d’assurer les besoins élémentaires d’une population que sont la santé et l’alimentation. Elle justifie également la maîtrise de notre logistique et l’organisation d’une politique minimale de stockage.
Le chef de l’État ne s’y est pas trompé en rappelant l’importance de garantir notamment la souveraineté alimentaire tant au niveau national qu’européen*.
Cette souveraineté est certes largement acquise en France et à l’échelle de l’Union européenne. Mais les événements actuels incitent à la renforcer et à en rappeler la priorité stratégique.
Jean-Baptiste Millard, Délégué général d’agridées
Covid-19 – Surmonter le choc - N°241
Souplesse et diversité pour engager l’avenir
F ace aux immenses défis liés à notre alimentation, les grandes orientations proposées depuis quelques années par notre think tank apportent des réponses aux nombreuses questions qui se présentent, parfois différentes, souvent complémentaires.
Pendant ces trois derniers mois, les acteurs agricoles et ceux de leurs filières ont vécu différentes situations, devant résoudre à la fois des problèmes d’approvisionnements de proximité, faire face à une logistique devenue compliquée à planifier, organiser le travail, parfois en sous-effectif, sous de fortes
contraintes sanitaires, servir des marchés nouveaux tandis que d’autres se sont fermés.
Critiquée hier par la société civile pour des pratiques agricoles jugées douteuses, l’agriculture bénéficie d’une solidarité soudaine au nom d’un besoin de consommation de produits locaux et d’une défiance à l’égard des produits étrangers. Ainsi, le raisonnable reprend sa place, mais on retient certaines
leçons très utiles pour proposer un nouveau schéma, pas si révolutionnaire au final.
C’est la diversité des solutions alimentaires elle-même qui est la réponse aux multiples questions, considérant ainsi qu’une seule réponse ne réglerait en rien les enjeux futurs. La situation actuelle, soit cette mosaïque d’exploitations agricoles de toutes natures et de toutes tailles, apporte une multitude de services,
et il est vraisemblable que cette diversité se confirmera à l’avenir pour le plus grand bien des populations attentives à cette évolution. Chacun y trouvera son compte, producteurs et consommateurs. Chacun y trouvera son rôle et les moyens pour l’assumer durablement, des grandes plaines fertiles aux vallons
arides et rocheux. Seront mis en oeuvre les prédispositions aux performances des grands herbages, des plaines à destination de marchés à forte compétition ou celle de petits terrains de proximité urbaine au service de consommateurs attentifs et exigeants. De même pour le monde de l’élevage, qui devra
conjuguer une nécessaire compétitivité et la qualité offerte par des producteurs locaux attentionnés.
Bien sûr, tous ces acteurs ne sont pas identiques, à l’image de leurs produits, mais les voyant tous répondre au besoin qu’ils maîtrisent, on ne peut que se féliciter de cette complémentarité de rôles et de services. La société française doit se réjouir d’une telle chance.
La pandémie de Covid-19 et le confinement que nous venons de vivre ont bien montré l’intérêt d’une telle diversité. Il faut l’enrichir et la promouvoir. Rendre compatibles ces atouts complémentaires, c’est tout l’enjeu pour réussir ce pari qui nous a si bien servi ces derniers mois, sans oublier que les marchés sont aléatoires et que les variations fortes et accidentelles que nous vivons seront toujours possibles.
Une certaine souplesse accompagnera naturellement cette diversité.
Damien Bonduelle, Président d’agridées
Repenser la logistique - N°242
Construisons notre avenir nutritionnel et environnemental
Le monde agricole et alimentaire français est sorti du confinement rassuré sur sa capacité à nourrir le pays en temps de crise. Mais cette apparente réussite masque les excédents de certains secteurs ou les pénuries vécues ou futures (conditions climatiques de l’été obligent !) pour d’autres. Des perturbations dans les flux de marchandises ont touché de nombreux secteurs en grandes difficultés après ces mois si compliqués.
Cette apparente adéquation de nos systèmes de production aux besoins de notre pays se trouve par ailleurs fragilisée, tout comme nos entreprises agricoles, par des changements de consommation observables ou prévisibles suite à cette crise. Le doute s’est installé dans les esprits des consommateurs quant au bien-fondé d’une mondialisation des échanges (à l’origine de nos maux actuels ?) et donc celui de la production agricole disponible en Europe. La tendance vers une alimentation labellisée saine et diversifiée au fil des saisons, vers plus de naturalité et de proximité semble vraiment l’emporter face à la performance constatée de nos agricultures et de nos circuits de distribution durant le confinement, comme si nous avions certes fait, mais mal fait !
La résilience de nos systèmes agricoles est interpellée et au-delà des vraies tragédies subies par certaines entreprises agricoles, au-delà des efforts considérables nécessaires à une réelle relance, bien au-delà des indispensables moyens qu’il faudra mobiliser pour redresser la partie immergée de l’édifice agricole, la question de la posture de la société et donc celle du pouvoir politique sur le futur de notre agriculture est cruciale.
Les tendances ne vont pas s’inverser. Les changements climatiques réinterpellent les comportements et l’innovation en agriculture. Avec force publicité, la distribution est déjà en train d’adapter ses fondamentaux en matière de « bien produire ». Notre société, parfois avec un impardonnable excès voire de condamnables débordements, affiche ses intransigeances. Comment nos systèmes agricoles, confrontés à des contraintes réglementaires grandissantes, inondés de critiques souvent infondées, entre le marteau de la demande sociétale et l’enclume de leurs conditions pédoclimatiques vont-ils pouvoir rebondir ? À défaut d’être positif (terme à éviter en ces temps covidiens !) soyons tous des partenaires solidaires de notre agriculture et construisons avec ses acteurs notre avenir nutritionnel et environnemental !
Gérard Matheron, Secrétaire général d’agridées
Entreprise agricole et défi climatique - N°243
Un défi sous conditions
En septembre dernier, agridées organisait une conférence-débat sur le thème : « Entreprise agricole et défi climatique ». En entendant les débats et les expériences concrètes présentées, je me suis finalement beaucoup plus focalisé sur la notion de défi que sur le climat proprement dit. Si l’on parle de défi, que l’on considère que l’on va mener un combat, en l’occurrence contre le réchauffement climatique, mais surtout que l’on considère ce combat comme étant difficile, voire impossible à gagner. Alors face à cette préoccupation, quelles sont les exigences pour parvenir néanmoins à un résultat ?
Je pense qu’il faut réunir cinq conditions : un objectif, une stratégie européenne commune, une conviction partagée, un contexte économique et technique favorables et un soutien sociétal. La définition d’un objectif, clair et compréhensible est la première condition. Dans le cadre de la réduction du réchauffement climatique, vulgariser au mieux les alertes et les propositions des scientifiques est indispensable pour adopter un langage commun et bien compris.
Une approche pragmatique et réfléchie doit alimenter une stratégie adaptée à la profession agricole dans son ensemble, sur la base d’un plan d’actions cohérent. Un projet de cette ampleur doit être accompagné d’une conviction partagée entre le maximum d’acteurs au sein de la profession agricole et de ses filières amont et aval. Les actions sont à adapter à la capacité de chacun. Dans le cadre de recherche d’alternatives à des pratiques à abandonner, le contexte économique et technique ne pourra pas être négligé tant les acteurs agricoles sont traditionnellement attachés aux méthodes en cours.
Le changement est souvent difficile et il est indispensable de l’inscrire dans le temps, de s’y préparer et aussi d’en vérifier la faisabilité. Rien n’est possible si la performance et la sécurité de résultats ne sont pas garanties.
Enfin, la cinquième condition relève de la relation entre l’entreprise agricole et la société en général, dont le soutien est indispensable pour relever tous ces challenges. À agridées il est de notre rôle de think tank d’accompagner justement les entreprises agricoles face à ce grand défi du siècle, et à toutes ses déclinaisons. Les nombreuses expériences réussies contribuant à la baisse des émissions de gaz à effet de serre montrent la voie à l’ensemble des acteurs.
Puissent ces cinq conditions être rapidement réunies.
Damien Bonduelle – président d’agridées
Innovations : quels services aux agriculteurs ? - N°244
Pédagogie et ouverture, même sans Salon de l’agriculture
L’annulation cette année du Salon international de l’agriculture pour cause de pandémie de Covid-19, a été remplacée notamment par l’initiative des fermes « ambassadrices » qui ont ouvert leurs portes aux consommateurs et citoyens. Cette démarche relayée par une présence assidue de la presse, des médias, des élus et dirigeants politiques, nous a permis de vivre une semaine exceptionnelle au cours de laquelle notre agriculture a reçu un accueil enthousiaste, attentif et passionné de la part de son public. Je devrais même parler de nos agricultures et de nos publics, tant la diversité est grande des deux côtés, par l’activité et la taille d’une part, et par la nature de l’attachement ou de la préoccupation d’autre part.
Certains sujets suscitent toujours des doutes et de fortes contradictions. Trois d’entre eux me tiennent particulièrement à coeur : la gestion de l’eau, la modernisation des entreprises agricoles et leur juste rémunération…
Damien Bonduelle, Président d’agridées