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Analyses

Temps de lecture : 5 min

09/03/2021

Marchés : t’as pas 100 millions de tonnes ?

Le marché mondial des grains et graines se retrouve à l’approche du printemps 2021 en pleine ébullition. Les prix montent et sont volatils.Que se passe-t-il ?

 

Les interrogations sont liées au comportement de pays exportateurs (Russie…), aux choix de pays importateurs (Chine…), aux nécessités de la majorité des acheteurs à l’approche de l’inter-campagne, et les regards se tournent vers l’analyse quotidienne des aléas climatiques (Amérique du Sud, ou du Nord…). Pourtant, vu de haut, tout semblerait aller bien. La production ne cesse de progresser depuis quelques années et suit la demande orientée notamment par la croissance démographique. La logistique parait  bien organisée. Et à ce stade, avec la grande prudence nécessaire, la prochaine campagne ne s’annonce pas mal.

Oui, mais. Chacun connait la fragilité des fondamentaux concernant les marchés des grains, ces marchés qui irriguent les équilibres alimentaires de la planète entière. Les stocks globaux restent bas par rapport aux utilisations, de l’ordre de 28% selon la FAO[1] (Bulletin mars 2021), et sont inégalement répartis. La substitution entre produits demeure très partielle. La logistique n’uniformise pas les différents marchés, elle doit aussi tenir compte des investissements réalisés et des conditions naturelles d’usage. Le climat joue entre deux hémisphères, eux-mêmes segmentés entre de nombreuses régions. En conséquence, le risque est toujours là, soit d’une flambée des prix, soit de leur chute, tellement un faible déplacement des volumes attise les excès en prix. Presque un effet papillon, en tout cas la Loi de King.

Les choix de politique intérieure de pays clés ont également une grande influence sur les flux et les cours. La décision de la Russie d’imposer une taxe à l’exportation sur ses céréales ou la volonté de la Chine d’acheter plus de maïs, dans les deux cas afin de fluidifier le marché intérieur et de maîtriser les prix, bousculent des équilibres fragiles. A proportion du poids agricole et géopolitique de ces deux grands pays, la Russie est de loin désormais le premier exportateur mondial de blé, la Chine le principal importateur mondial de maïs (tout en étant le premier producteur mondial de blé, de riz et le deuxième en maïs).

Mais les décisions de politique intérieure de ces pays ne relèvent pas seulement d’actes de gestion commerciale, éventuellement perturbateurs. Elles sont conditionnées par des choix stratégiques à long terme.

La Russie a décidé d’asseoir sa puissance sur l’agriculture. C’est acquis. La Chine a décidé, par souci d’indépendance, d’utiliser au maximum ses terres agricoles insuffisantes pour sa propre production céréalière à consommation alimentaire, et du coup d’importer ce qui relève plus de la nutrition animale.

La Chine a choisi sa dépendance, celle aux importations de soja. Le redémarrage de la production porcine va l’entraîner à acheter cette année sur le marché mondial le chiffre astronomique de 100 millions de tonnes de soja. Pour mémoire, le bilan mondial du soja est ainsi construit en 2020/21 : production 360 MT, échanges 170 MT, dont 100 MT pour l’Empire du Milieu.

A l’heure des débats européens et plus encore français à propos de la souveraineté alimentaire, il est utile de rappeler quelques réalités. L’impératif de nourrir la planète, la puissance des réalités géopolitiques internationales, la chance de disposer d’une agriculture performante. 

 [1] www.fao.org/worldfoodsituationcsdb/fr