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24/06/2024
Filières bio en 2023 : pause opératoire
L’Agence Bio a tenu une conférence de presse le 13 juin 2024 afin de présenter son panorama des chiffres de 2023. Sans surprise, dans le contexte d’une inflation alimentaire qui s’avérait importante et impactait le budget des consommateurs, le chiffre d’affaires du marché bio en France en 2023 a stagné à 12 milliards d’€, la part du bio dans le panier alimentaire des Français s’est contractée, passant de 6 % en 2022 à 5,6 % en 2023. Les acteurs de la bio font donc le dos rond, scrutent l’avenir et recherchent de nouveaux leviers.
Sur un plan général, sans distinguer la bio, la hausse des prix alimentaires en France (+6,8 % en 2022, +11,8 % en 2023) a pesé sur le comportement des consommateurs qui ont réduit leurs achats (-4,4 % en volume en 2023), et souvent opéré une descente en gamme. La bio quant à elle a néanmoins mieux maitrisé sa propre inflation (+7,7 % en 2023), mais elle a perdu plus de volumes (-7 %) ce qui amène à ce chiffre d’affaires bio globalement étale, à 12 milliards. En valeur, dans le secteur bio, ce sont les vins qui ont le plus progressé (+9 %), et les viandes le plus régressé (-9 %).
Au niveau de la commercialisation, la Grande distribution généraliste demeure indispensable et largement leader, à 50 % des ventes totales de produits bio, tout en reculant de 3,8 % en valeur pour 2023. Il est vrai qu’au sein de la GMS, les enseignes mènent des politiques tarifaires très variables pour les produits bio. Dans une enquête récente, UFC-Que Choisir[1] a ainsi passé 9 enseignes au crible et montré que, pour un panier défini, l’écart de prix entre le bio et le conventionnel était de +59 % pour Lidl ou +63 % pour Carrefour, mais de +86 % pour Monoprix. Ces niveaux de prix ont pu favoriser l’attrait de la distribution spécialisée qui connait les spécificités de ses clients et en tire bénéfice, même si le nombre de magasins s’est réduit. Elle progresse et représente 28 % des ventes. La vente directe se développe plus encore et atteint 14 % du marché. La part des artisans-commerçants augmente également avec 8 % des ventes de produits bio. Au total, ces différents acteurs approvisionnant la consommation à domicile agrègent 91 % des ventes en bio. Pour le solde, la restauration hors foyer végète à un modeste 9 % de la consommation bio malgré les promesses d’Egalim. A terme les perspectives sont là !
La morosité de la situation des filières bio en aval se transmet à l’amont. En 2023 les surfaces de production bio (certifiées et en conversion) ont reculé de 54 000 hectares, soit -2 %, à 2,768 millions d’hectares ce qui représente encore 10,4 % de la surface agricole française, leader européen. Les cheptels bio sont presque tous en baisse, principalement en poulet et en porc, mais aussi en production laitière. Néanmoins, le solde annuel du nombre de nouveaux producteurs spécialisés en bio, s’il se réduit en 2023, est demeuré positif avec +7 % d’entrées et -5 % de sorties. Ces sorties sont pour moitié dues à un changement de système, et pour un tiers au départ à la retraite. Au total 61 000 fermes sont engagées pour tout ou partie en bio, soit 14 % des fermes françaises. L’attractivité du modèle demeure.
Après deux années de tempête inflationniste qui auraient pu mettre à mal le modèle économique des filières bio, il s’avère que le socle de production et de transformation, avec certes des différences notables par filières, résiste et que l’engagement des consommateurs ne s’est pas évanoui. Demain les arbres ne monteront pas au ciel, mais le relais prévu par la loi en ce qui concerne la restauration hors foyer, la reprise de l’innovation dans l’offre à la distribution et le développement continu du point fort qu’est la vente directe peuvent ouvrir des perspectives positives, tel que c’est le cas dans la majorité des pays européens. Par définition une pause est momentanée.
[1] https://www.quechoisir.org/actualite-prix-du-bio-9-enseignes-passees-au-crible-n124046/.