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Temps de lecture : 3 min

18/11/2022

Filières et territoires boostent l’agriculture bas carbone

Au Salon International des solutions et technologies pour une agriculture performante et durable (SIMA) et dans le cadre des « SIMA Talks », Agridées a organisé et animé une table ronde sur le thème « Carbon farming : du savoir-faire au faire-savoir » le 7 novembre 2022. Les trois intervenants étaient Carole Leverrier (Directrice de Terrasolis, pôle d’innovation pour l’agriculture bas carbone), Anaël Bibard (président et cofondateur de la startup Farmleap et président de la Climate Agriculture Alliance) et Elodie Colin-Petit (Directrice du développement commercial chez Malteries Soufflet). Ensemble, nous avons poursuivi les réflexions du groupe de travail « Quels moyens rentables d’adaptation et d’atténuation du changement climatique pour les agriculteurs ? » qui a abouti à la Note parue en mai dernier « Agriculture : concilier rentabilité économique et action climatique ».

Dans cette publication, nous avions identifié l’agriculture de précision et bas carbone (mettant en œuvre des actions de stockage de carbone organique dans les sols et de réduction des émissions de gaz à effet de serre) comme l’un des leviers efficaces et rentables, sous conditions, pour relever le défi climatique.

Le « SIMA Talk » du 7 novembre 2022 a été l’occasion d’un bilan sur les réalités de l’agriculture bas carbone (carbon farming) en France. A date, environ 9000 agriculteurs sont engagés dans cette voie dans le cadre de diverses démarches, dont 4500 dans les filières alimentaires (élevage et grandes cultures en particulier avec la filière Culture Raisonnée Contrôlée – CRC –, McDonald’s France ou Nataïs avec le maïs popcorn) et autant dans les filières biocarburants (programme Oléoze). Parmi eux, 250 agriculteurs sont engagés avec Malteries Soufflet dans la production d’orges bas carbone pour les filières brassicoles, en particulier pour la marque 1664 de Kronenbourg.

Les industriels de l’agroalimentaire sont intéressés au premier plan par un approvisionnement en produits agricoles à faible empreinte carbone pour réduire le bilan de leur propre chaîne de valeur. A titre d’exemple, la production d’orge représente environ 20 % de l’empreinte carbone d’une bière. Pour éviter le greenwashing, les industriels cherchent à fonder leurs messages de décarbonation sur des obligations de résultats et des mesures d’impacts.

D’où l’importance des outils numériques pour capter, enregistrer, vérifier, analyser et transmettre la création de valeur tout au long de la chaîne avec des outils de traçabilité performants. La montée en gamme de la valeur de la production amont doit être transmise jusqu’à l’aval et au consommateur, qui doit être au centre des attentions des industriels. Ainsi, le carbone peut devenir un véhicule de l’information de base sur les réalités des pratiques de la production agricole, aux côtés d’informations relatives à la gestion de l’eau, de la biodiversité ou à la qualité des sols par exemple.

Plusieurs difficultés ont été soulignées, tant au niveau du savoir-faire côté amont que du faire-savoir à l’autre extrémité de la chaîne :

Du côté du savoir-faire, il est difficile et long de sensibiliser les agriculteurs et leurs conseillers technico-économiques à ces nouvelles pratiques bas carbone, car les rémunérations sont faibles (20 à 50 euros/tonne) et ne compensent pas les coûts de la mise en place de nouvelles pratiques. De plus, la diversité des méthodes de calcul du bilan carbone des exploitations agricoles complique la compréhension et le choix des méthodes et des prestataires : le cadre de certification du Label Bas Carbone en France est public et encadré par le ministère de la Transition écologique, tandis que les entreprises internationales choisissent plutôt les outils  Cool Farm Tool, Verra ou Gold Standard. Sur ce point, les travaux de Terrasolis sur l’évaluation de la performance et du financement carbone dans le cadre du projet CarbonThink fournissent de précieux éléments et un colloque de restitution se tiendra le 12 décembre.

Du côté du faire-savoir, le potentiel d’amélioration du bilan carbone du côté de l’amont agricole est limité et les effets de leviers sont donc faibles. Selon les estimations actuelles, il le potentiel d’amélioration du bilan carbone des exploitations de grandes cultures ne semble pas dépasser les 20 % par rapport à son niveau actuel, ce qui peut décevoir les industriels de l’agroalimentaire et les dissuader d’inciter leurs fournisseurs agriculteurs à améliorer leur empreinte carbone.

Au final, le sujet du financement de la transition bas carbone demeure essentiel et non encore résolu, car s’il y a création de valeur de l’amont à l’aval, le consommateur ne pourra payer intégralement la différence, notamment dans le contexte inflationniste actuel. Au-delà de la vente de crédits carbone, des aides publiques et des primes filières, c’est le monde de la finance qui a été interpelé et qui pourrait résoudre une partie de l’équation. Une autre piste est la cessibilité des crédits carbone[1], qui contribuerait à la valoriser davantage, comme cela avait été discuté lors des Rencontres de Droit Rural du 28 janvier 2021 « Le CO2 vert capturé par le droit ». Troisième piste, élargir le périmètre de calcul des émissions carbone au-delà de l’exploitation agricole en intégrant les valorisations en aval : en effet, le calcul des émissions tient compte du mode de production en amont des fertilisants utilisés dans les fermes, mais pas des valorisations de la récolte dans des bioénergies ou des biomatériaux par exemple qui présentent un bilan carbone plus vertueux que leurs alternatives issues des énergies fossiles.

Nous suivrons donc avec attention la Communication de la Commission européenne attendue le 30 novembre prochain sur ces sujets, presque un an après la publication de sa stratégie sur les Cycles de carbone durable, en particulier sur les méthodes de calcul et le financement de l’agriculture bas-carbone.

 


[1] Arrêté du 28 novembre 2018 définissant le référentiel du label « Bas-Carbone », Annexe : « Une fois reconnues, les réductions d’émissions ne sont ni transférables, ni échangeables que ce soit de gré-à-gré ou sur quelque marché volontaire ou obligatoire que ce soit. Les réductions d’émissions peuvent seulement être utilisées pour la compensation volontaire des émissions d’acteurs non-étatiques (entreprises, collectivités, particuliers, etc.) ».