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Temps de lecture : 3 min

30/08/2022

Rentrée : le retour de tous les lardons

L’été na décidément pas été pacifique. Au milieu de toutes les avanies qui ont frappé lagriculture et la chaîne alimentaire française, une ombre supplémentaire sest glissée, voilant les relations complexes entre végétal et animal : le décret n°2022-947 du 29 juin 2022, attendu depuis deux ans par les filières animales, encadrant lutilisation de dénominations animales pour les denrées alimentaires à base de protéines végétales a été suspendu par le Conseil d’Etat le 27 juillet dernier. A la rentrée, tous les lardons, inscrits en protéines animales ou végétales, seront donc présents sur les bancs de la distribution.

Pour rappel ce décret qui devait entrer en vigueur le 1er octobre 2022, pris en application de la loi du 10 juin 2020 relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires, interdisait l’utilisation pour des produits à base végétale de termes faisant référence aux espèces, à la morphologie ou à l’anatomie animales, ainsi que des termes spécifiques à la boucherie, la charcuterie ou la poissonnerie, et enfin de ce qui relève des usages commerciaux pour les produits d’origine animale. Les termes de steak, jambon, lardon, saucisse…se trouvaient protégés. Il s’ensuivait en outre une très longue liste de produits à dénomination « animale » pouvant par contre, par dérogation, contenir un pourcentage réduit de protéines végétales.

Le mieux a-t-il été l’ennemi du bien ?

Le consortium Protéines France, dont l’objet est de promouvoir le développement de l’utilisation des protéines végétales, sous toutes ses formes et donc y compris par la « viande végétale », avait en urgence sollicité le Conseil d’Etat en référé afin de suspendre l’application du décret. A noter que sont membres de cette organisation tout autant des entreprises nouvelles évoluant dans ce secteur que de grands groupes français ou internationaux leaders dans les produits végétaux, mais aussi parfois polyvalents.

Deux arguments essentiels ont pesé dans cette décision de suspension :

  • Le calendrier d’application d’abord. Le décret, paru le 29 juin, interdisait dès le 1er octobre 2022 la fabrication des produits visés tout en permettant la commercialisation des stocks constitués antérieurement jusqu’au 31 décembre 2023. L’Administration considérait que le décret de juin 2022 mettant en application une loi de juin 2020, les entreprises avaient eu le temps de s’organiser. Ce n’est pas l’opinion du Conseil d’Etat.
  • Le champ lexical d’interdiction ensuite. Peut-être trop vaste, mais surtout imprécis notamment en relation avec le droit communautaire. Il y aurait sans doute là un champ de discussions à ouvrir entre les parties prenantes et les Pouvoirs Publics à l’avenir, selon la décision que le Conseil d’Etat sera amené à prendre sur le fond.

 

Les enjeux sont importants sur le plan du « business » des entreprises qui y prospèrent. Le flexitarisme, les régimes végétariens… se développent et l’utilisation des codes marketing et des dénominations liées à la viande a montré son efficacité dans la promotion des substituts de produits animaux auprès des consommateurs. Par ailleurs la France serait le seul pays de l’Union à s’engager sur cette voie alors même qu’un meilleur équilibre végétal/animal de notre assiette est souhaitable.

Mais au-delà de l’économie, les enjeux symboliques sont également très forts. La FNSEA et ses associations spécialisées des filières animales ont dénoncé le recours dans un ferme communiqué dès le 28 juillet[1]. Si les produits d’origine végétale ont tant de vertus intrinsèques, pourquoi utiliser le capital culturel des filières animales ? L’information du consommateur est-elle loyale ? Et d’ailleurs, pourquoi ce qui a été reconnu pour le lait et les produits laitiers ne l’est-il pas pour la viande et la charcuterie ?

A un moment où l’unité de la Ferme France est de l’intérêt de tous, il serait sans doute bon de dépasser les postures intéressées et de s’accorder sur un nouveau texte, avec une liste équilibrée et conforme au droit européen. Cochon qui s’en dédierait.

 


[1] Communiqué FNSEA du 28 juillet 2022