Points de vue
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14/06/2024
Négociations commerciales, compétitivité de la filière : dressons le bon diagnostic !
La France est sans doute le pays où les négociations commerciales cristallisent le plus d’attention politique et médiatique, et de tensions entre les acteurs de la chaîne agro-alimentaire. Les lois se succèdent année après année sans pour autant réussir à créer les conditions de négociations apaisées et d’un partage de la valeur satisfaisant.
Les lois EGALIM avaient pourtant un objectif simple : faire en sorte que les agriculteurs français puissent mieux vivre de leur travail en instaurant le principe de construction du prix « en marche avant », en partant des coûts de production, permettant de sanctuariser le prix de la matière première agricole tout au long des négociations commerciales. Cette ambition était basée sur trois principes clairs : le développement des contrats pluriannuels en amont, l’instauration de la transparence dans la négociation entre industriels et distributeurs et la sanctuarisation du coût de la matière première agricole.
Or, le bilan de ces dernières années est sans équivoque : ni l’objectif de contractualisation ni celui de la transparence n’ont été remplis. Il existe en effet aujourd’hui un niveau de contractualisation bien trop faible dans les filières, et un niveau de transparence dans les négociations entre industriels et distributeurs très insatisfaisant du fait de l’opacité permise par “l’option 3”.
A l’inverse, les entreprises font face à un juridisme renforcé, avec un cadre de plus en plus contraignant et déséquilibré, au profit des plus grands industriels, et au détriment des PME, des consommateurs, et de notre capacité à faire du commerce. Face à ce bilan, nous ne pouvons faire que le constat de l’impérieuse nécessité de simplifier le code de commerce, en réintroduisant de la transparence.
Pour autant, le sujet des relations commerciales ne doit pas nous faire oublier un autre enjeu majeur : celui de la compétitivité de l’ensemble de notre filière agro-alimentaire. Comment nous résoudre à ce qu’il coûte plus cher de produire et de consommer en France que chez nos voisins européens ?
Car la crise agricole française est sans doute d’abord une crise de compétitivité. L’amont agricole est en effet confronté à des coûts de production élevés, à une perte de vitesse sur les marchés d’exportation, à une inadaptation de l’offre à la demande, à des coûts liés à la transition agro-écologique … Les distributeurs sont en réalité confrontés à des problématiques similaires, face à des politiques publiques manquant parfois de cohérence et à un empilement de règlementations qui renchérissent les coûts et les charges sans toujours apporter de vision stratégique pour l’avenir du secteur.
Indéniablement il s’agit de défis majeurs qui doivent être relevés et qui ne doivent pas être éclipsés par le débat, souvent caricatural, sur les négociations commerciales.
De la même manière, il n’est pas entendable de voir le patriotisme des distributeurs français mis en cause comme cela a pu être fait par certains. La grande distribution est un partenaire clé de l’agriculture française, sans être – il est important de le rappeler – son unique débouché.
Ne nous laissons pas, par ailleurs, enfermer dans un débat réducteur sur la souveraineté alimentaire, souvent synonyme dans le débat public de protectionnisme et de repli sur soi, ce qui va évidemment à l’encontre des intérêts des agriculteurs français. Rappelons que nous faisons partie d’un marché unique et que la souveraineté doit s’entendre comme européenne, si nous souhaitons pouvoir mener des politiques publiques cohérentes et ambitieuses, notamment vis-à-vis des pays tiers.
Quant au débat sur les centrales d’achat européennes, il est là encore bien souvent caricatural. Ces centrales permettent de négocier à armes égales avec des multinationales qui mènent des stratégies de fragmentation du marché intérieur qui coûtent chaque année 14 milliards d’euros aux consommateurs européens d’après la Commission européenne.
L’ensemble des acteurs de la filière attendaient la publication d’ici quelques jours du rapport des députés Alexis Izard et Anne-Laure Babault, qui devait amorcer les travaux sur un EGALIM 4. La dissolution de l’Assemblée nationale a mis fin à ces travaux, mais ces enjeux restent majeurs. Nous aurons besoin de beaucoup de lucidité sur les défis que nous avons à relever collectivement pour apporter les solutions qui s’imposent.