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Temps de lecture : 3 min

17/03/2023

Retour sur LE moment agricole

Le Salon International de l’Agriculture s’est tenu à Paris du 25 février au 5 mars 2023 et a enregistré un grand succès d’audience en enregistrant 615000 entrées. Pendant 9 jours, ce que l’on a désormais coutume d’appeler la plus grande ferme de France a attiré professionnels de l’agriculture, parents et enfants des familles urbaines, consommateurs de produits de terroir tombant parfois dans les excès de libations, représentants des médias, nombre d’élus et de ministres, à commencer par la Première d’entre eux, et comme le veut une tradition bien installée, le Salon a été inauguré par le Président de la République.

Après que les exposants aient démonté leurs stands, que les éleveurs et leurs troupeaux d’exception aient regagné leurs fermes, après que les lumières se soient éteintes dans les grands halls du parc des expositions de la Porte de Versailles, que peut-on penser de la version 2023 du rendez-vous annuel de l’agriculture à Paris ?

 

Côté paillettes, les réseaux sociaux conservent les innombrables tweets, photos et vidéos qui relatent les événements, rencontres, signatures de conventions, d’accords et d’engagements, conférences et débats que le Salon a accueilli durant une grande semaine. Au-delà de l’entre-soi agricole, l’intérêt des élus, maires, députés, sénateurs, conseillers régionaux, membres du CESE, etc.… et des représentants de l’exécutif aura manifesté une attention particulière aux questions que les pratiques agricoles cristallisent vis-à-vis de l’ensemble de la société et de ses attentes en matière d’alimentation, d’environnement et de partage de l’espace. Cet intérêt dépasse largement la dimension d’un électorat, jadis majoritaire, qui ne représente plus que 2% de la population active. En leitmotiv, la souveraineté alimentaire est devenue l’élément de langage commun à tous les discours, à tous les débats, laissant à chacun le loisir de la définir selon sa posture. Mais à l’invoquer si souvent, on comprend le malaise dont elle est le symptôme.

 

Pour le visiteur attentif qui aura pris soin de prendre le pouls de l’opinion agricole, l’impression générale est mitigée, mélange d’inquiétudes pour l’avenir et d’espoirs portés par des solutions avant-gardistes.

Au chapitre des inquiétudes, il ne s’agit pas des revendications corporatistes, mais à très court terme des aléas climatiques qui font redouter les effets délétères d’une sécheresse prolongée. Il s’agit aussi du manque de visibilité du cadre général d’exercice des activités agricoles, de la politique agricole dans sa nouvelle version applicable depuis le début de l’année 2023, de l’évolution rapide d’une règlementation nationale contraignante, et enfin des pressions de plus en plus fortes d’une population urbaine ou néo-rurale qui mettent en tension les différents modèles agricoles. Pour les agriculteurs les plus âgés, les difficultés de transmission de leurs entreprises, en l’absence de solutions familiales, assombrissent les perspectives de leurs dernières années d’activité.

Au chapitre des espoirs, il y a tous les porteurs de solutions techniques ou organisationnelles qui contribuent à la révision des pratiques agricoles, à l’adoption des technologies émergentes en matière d’automation ou de traitement des données. Recherche fondamentale et recherche appliquée, instituts et centres techniques, établissements d’enseignement, organismes de développements et de conseil, structures coopératives et associatives, start-ups, sans oublier tous les fournisseurs et les clients des entreprises agricoles, tous mettent en avant les innovations qu’ils promeuvent au service des transitions agricoles, environnementales, énergétiques et alimentaires.

 

Pour autant, ce « moment agricole » du Salon n’est que la partie émergée d’un processus silencieux, selon les termes utilisés par Michel Debatisse dans les années 60 dans son livre « La révolution silencieuse ».  Mais l’actualité des mutations en cours diffèrent grandement de la révolution agricole portée par l’accès généralisé à la mécanisation et aux intrants industriels après la seconde guerre mondiale. Faute de pouvoir nommer plus précisément ce nouveau tournant de l’agriculture française, Bertrand Hervieu et François Purseigle, dans leur ouvrage récent, ont choisi l’expression de « révolution indicible ». C’est bien le signe que le langage a de la peine à enfermer en une seule expression la complexité et la diversité des changements à l’œuvre. Le Salon 2023 aura été à l’image de cette indiciblité.