Points de vue
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19/11/2020
Le « produire autrement » a un prix, y compris dans les épinards !
Il est des conséquences à la réduction des pesticides qui doivent être bien comprises et acceptées par tous les acteurs de la chaîne alimentaire, à commencer par le consommateur, ce qui ne semble pas toujours être le cas.
En effet, s’il est parfaitement légitime que ce dernier ait accès à des produits sains, la volonté de réduction importante de l’utilisation des pesticides décidée par le législateur entraîne des conséquences qui ne doivent pas demeurer invisibles.
En tant que producteur d’épinards, je prendrai deux exemples récemment vécus.
Le printemps dernier, plusieurs dizaines d’hectares de mes collègues n’ont pu être récoltés pour cause de présence sur les feuilles de larves de syrphes (auxiliaires de culture qui sont particulièrement intéressants pour réguler les populations de pucerons). Toutefois, puisqu’une larve d’insecte n’est jamais très agréable à voir dans son assiette, le consommateur a-t-il conscience que l’impossibilité de supprimer chimiquement cette larve entraine un tel gaspillage au champ ?
Cet automne, c’est avec angoisse que j’ai vu se développer des repousses de petits pois dans mes champs d’épinards. Le seul moyen de lutte possible est le recours à la main d’œuvre pour éliminer manuellement ces repousses, faute de solution chimique autorisée. Les coûts de production ont donc explosé sans répercussion sur le prix de vente ne permettant pas de sauver toute la récolte. Un tiers de la parcelle a dû être abandonnée, là encore synonyme de gaspillage au champ.
Ces deux exemples, parmi tant d’autres, nous montrent toute la difficulté pour les producteurs de répondre aux attentes du consommateur final – qui s’est façonné un idéal de produits beaux, parfaits et, de surcroît, bon marché – tout en se passant de la chimie.
Pour aider le producteur à poursuivre dans la voie d’une diminution des produits phytosanitaires au champ, l’accès à la main d’œuvre devra être facilité, la machine du fabricant de matériel agricole perfectionnée, le cahier des charges de l’industriel adapté et l’information du distributeur auprès de ses clients-consommateurs éclairée. Un beau projet de filière !