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Temps de lecture : 4 min

03/09/2021

Dur, dur… pour les pâtes

Le blé dur, comme d’autres cultures, a été touché cette année par les aléas climatiques en France mais aussi dans de nombreuses régions du monde. Nous en subissons les conséquences en volumes, qualités et tensions sur les prix, avec des répercussions sur les semoules et les pâtes.

Dans un marché mondial prévisionnel 2021/2022 où la consommation de blé dur s’élèverait à plus de 34 millions de tonnes (MT), en partie couverte avec des échanges internationaux de 8 MT, la production dépasserait à ce stade à peine 33 MT et les stocks sont historiquement en baisse… L’Union Européenne  représente à la fois le principal producteur mondial et le principal importateur de cette céréale, le Canada quant à lui s’affirme de très loin comme premier exportateur traditionnel en volume tout en étant reconnu pour la grande qualité de ses grains; il est la boussole du marché, en partie aussi son grenier. Or, au lieu d’exporter 6 MT comme l’an passé, le Canada qui a été impacté par la sécheresse et le « dôme de chaleur » devra se limiter à la moitié de ce chiffre sur cette campagne. De ce fait les prix du blé dur croissent, et augmenteront probablement encore.

En blé dur, la situation de la France est très particulière, celle d’un pays excédentaire dans un marché européen déficitaire. Cette année il est attendu une production française en croissance à hauteur de 1,6 MT, mais avec une « hétérogénéité » qualitative liée aux pluies et au froid. Les industriels nationaux, semouliers et fabricants de pâtes, ont besoin de plus de 600.000 tonnes d’approvisionnement, la majorité des blés durs français s’écoulant au sein de l’UE, par exemple à destination des industriels italiens et espagnols. A priori il y aurait donc assez de blé dur disponible pour l’industrie française, mais à quel prix d’achat et avec quel prix de vente pour ce produit spécifique que sont les pâtes alimentaires ?

Au fait, connaissez-vous bien les pâtes alimentaires ? En France la dénomination en est strictement protégée, comme dans d’autres pays méditerranéens, il s’agit d’un produit issu uniquement de semoule de blé dur et d’eau. Dans les pâtes alimentaires, pas de blé tendre ou d’autres céréales! L’image, la réputation et le goût des pâtes viennent de ce process qui requiert la qualité des meilleurs blés durs, que ce soit en termes technologiques ou sanitaires. Les différents acteurs de la chaîne du blé dur en ont conçu un esprit filière qui favorise recherche variétale, bonnes pratiques de production et de stockage, mise en valeur des pratiques environnementales. La contractualisation fait partie de ces liens tissés, mais sans couvrir tous les flux et toutes les périodes. Dans un marché sous tension, la concurrence à l’achat des grains se fait donc actuellement très rude et cela va perdurer.

La compétition s’avère aussi acharnée dans nos linéaires. Les Français apprécient les pâtes et en consomment un peu plus de 9 kg par personne et par an. Mais il faut savoir que, à l’encontre des idées de souveraineté alimentaire, l’histoire, le savoir-faire, le marketing, la magie de noms, italiens par exemple, font que 60% des pâtes consommées en France sont…importées. Et pour partie en provenance de pays européens achetant des blés durs en France.

L’économie, les marchés sont parfois complexes. Mais aussi mal connus. Ainsi, devant la hausse des cotations de blé dur et l’interpellation des industriels français (SIFPAF/CFSI Communiqué du 16 août 2021) pour pouvoir la répercuter à la vente, de nombreux commentateurs ont excipé le traditionnel argument du faible poids du coût de la matière agricole dans la valeur du produit final vendu aux consommateurs afin d’évacuer cette demande et de rassurer maladroitement. Et pourtant il y aura bien une hausse. Souvent comparaison n’est pas raison. Par exemple la part du blé tendre dans le prix de la baguette est d’environ 5%. C’est un fait économique, pas un théorème. Par contre selon les travaux de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, en 2020 l’indicateur annuel de coût d’achat du blé dur dans la vente d’un kg de pâtes sèches supérieures en distribution est de l’ordre de 30% (39 centimes/1,35 €). En un an le prix du blé dur, rendu en portuaire, est passé de 250 à 400 € la tonne, pour le moment. Chacun comprend qu’il y aura hausse des prix, aucun industriel ne pouvant amputer ses marges avec de telles variations. Souhaitons des discussions objectives avec la Grande Distribution.

Les pâtes alimentaires, mais aussi les semoules et couscous, constituent tout autant des produits de consommation de base que des plats sains et festifs dans notre alimentation. Aidons-les à passer le cap des jeux d’acteurs et à assurer la fluidité des marchés.