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18/06/2021

Glyphosate : l’évaluation scientifique aura-t-elle le dernier mot ?

Les agences de 4 Etats membres de l’Union européenne, chargées de la réévaluation du glyphosate, ont remis les résultats de leurs travaux le 15 juin dernier à l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) en concluant que cet herbicide remplit les conditions de ré-homologation.

Un bref retour en arrière est nécessaire pour comprendre la portée de l’évènement. En 2015, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), rattaché à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), évaluait le glyphosate comme « cancérogène probable » pour les humains à la suite de travaux in vitro sur l’homme et d’études expérimentales sur animaux. En 2016, le groupe de travail conjoint de la FAO et de l’OMS concluait que l’herbicide « est peu susceptible de présenter un risque cancérogène pour les personnes exposées à cette substance dans l’alimentation ». Mais, entre-temps, certaines ONG s’étaient emparées du dossier pour exiger l’interdiction du produit sur la base de leurs convictions du danger cancérogène, sans les nuances de langage du CIRC.  Sur le terrain politique français, ce discours trouvait un écho favorable, dans la mesure où la Présidence de la République s’engageait sur la voie de l’interdiction pour ne pas être un jour responsable d’un scandale sanitaire équivalent à celui de l’amiante.

 

Néanmoins, en 2017, au plus fort de la polémique sur l’usage du produit, celui-ci était de nouveau homologué pour une période de 5 ans, au lieu de 10 ans habituellement, et s’achevant le 15 décembre 2022. La France n’avait pas réussi à convaincre une majorité d’Etats membres à se rendre à ses arguments.

 

Dans la perspective de la nouvelle échéance de 2022, 9 entreprises productrices de glyphosate ont sollicité en 2019 le renouvellement de l’autorisation. Alors que d’ordinaire la procédure normale est de confier à un seul pays les travaux d’évaluation, 4 pays, la Hongrie, les Pays Bas, la Suède et la France s’en sont vues confier la charge, compte tenu du caractère sensible du dossier. Les conclusions des quelques 11 000 pages de leur rapport établissent que le glyphosate ne relève pas de la classification des produits responsables de la mutagénicité des cellules germinales, de cancérogénité et de toxicité pour la reproduction humaine, car n’étant pas classé perturbateur endocrinien. Les conclusions antérieures sont maintenues sur la responsabilité de lésions oculaires et de toxicité pour le milieu aquatique.

 

Désormais, c’est à l’EFSA et à l’Agence Européenne des produits chimiques (ECHA) que revient le soin de valider ce rapport d’évaluation et d’organiser une consultation publique, probablement dès septembre 2021. Au terme de ces procédures, si les avis des 4 agences nationales sont confirmés, la DG SANTE sera en mesure de prononcer la ré-homologation du glyphosate. Mais il faudra tenir compte du caractère public du débat suscité par le glyphosate. Ainsi début juin 2021, le Parlement européen a-t-il adopté une résolution pour s’opposer à une nouvelle autorisation, appelant à inscrire cette interdiction dans la Stratégie Biodiversité de la Commission.

 

Il faut rappeler que le glyphosate, dont l’introduction sur le marché par Monsanto en 1974  a apporté une solution pour le désherbage des grandes cultures, reste toujours sans alternative à coût comparable. Mais il a été le point focal des critiques contre la stratégie hégémonique de la multinationale américaine, associant variétés OGM tolérantes et traitement herbicide. Universellement utilisé, le glyphosate a permis le développement des pratiques culturales du non-labour, dont les vertus environnementales sont reconnues. En 2000, le brevet de Monsanto est tombé dans le domaine public, mais c’est toujours contre Monsanto désormais propriété de Bayer, que les actions juridiques de grande ampleur sont conduites aux Etats-Unis au titre d’allégations de dommages pour la santé. L’enjeu économique est de taille puisque Bayer a constitué une provision de 10 milliards de dollars pour en couvrir les effets éventuels.

 

En France la profession agricole sous la bannière du « contrat de solution », organisée autour de la FNSEA, a adopté le slogan « pas d’interdictions, des solutions ! » pour justifier la poursuite de l’usage du glyphosate tant qu’une solution alternative durable ne serait pas disponible.

 

D’ici 2022, les débats seront nombreux, peut-être houleux, mais la France qui avait été motivée en 2017 par le principe de précaution se rangera sans doute à l’avis qui vient d’être exprimé par l’ANSES dans l’évaluation du glyphosate. Gageons alors que l’évaluation scientifique puisse avoir le dernier mot.